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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Ils enterrent Hei<strong>de</strong>, puis Herminien annonce son départ et, alors qu’il s’éloigne du château,<br />

« les pans flottants <strong>de</strong> son manteau l’environn[ant] comme <strong>de</strong>s ailes noires », il entend<br />

<strong>de</strong>rrière lui <strong>de</strong>s pas qu’il reconnaît « comme s’il les eût attendus <strong>de</strong> toujours » ; il se met à<br />

courir, les pas le suivent et, « dans la toute-puissante défaillance <strong>de</strong> son âme, il sentit l’éclair<br />

glacé d’un couteau couler entre ses épaules comme une poignée <strong>de</strong> neige » (p. 182).<br />

Tout est donc consommé. La machine infernale qui s’est mise en marche avec l’arrivée<br />

d’Herminien et Hei<strong>de</strong> à Argol a patiemment façonné le trio à l’image d’une configuration<br />

mythique qui s’est ensuite révélée pour apparaître aussitôt comme intenable, et qui n’est<br />

apparue à la surface du récit qu’au moment où elle était sur le point d’exploser. Le mythe<br />

apporte au récit un miroir qui lui est fatal.<br />

Il est difficile <strong>de</strong> se faire une idée définitive sur la genèse <strong>de</strong> cette rencontre entre la structure<br />

narrative d’Argol et le mythe <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong>. L’« avis au lecteur » laisse entendre que l’idée<br />

d’une réhabilitation du Parsifal <strong>de</strong> Wagner pourrait bien être à l’origine du projet. J’ai<br />

tendance à penser que le récit, dont Gracq nous dit qu’il a commencé à l’écrire sur un coup <strong>de</strong><br />

tête 672 , a démarré sans aucun lien préconçu avec le mythe <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong>, mais que la structure<br />

percevalienne, telle qu’elle apparaît spécifiquement chez Wagner, s’est imposée d’elle-même<br />

comme un horizon possible du texte. Il semble que le mythe ait été en quelque sorte appelé<br />

par le caractère à la fois simple et fortement symbolique <strong>de</strong> l’action, cristallisée autour<br />

d’enjeux profonds qui sont naturellement proches <strong>de</strong> la sphère mythique.<br />

Si les choses se sont bien passées ainsi, il faut alors souligner que ce serait la rencontre entre<br />

<strong>de</strong>ux structures relationnelles qui aurait cautionné la superposition <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux systèmes. C’est<br />

parce qu’Albert et Herminien se retrouvent dans <strong>de</strong>s positions symboliques similaires à celles<br />

qu’occupent, dans le mythe, <strong>Perceval</strong> et Amfortas, et face à <strong>de</strong>s enjeux analogues, que la<br />

rencontre a tout à coup produit une étincelle, et que le mythe a pu <strong>de</strong>venir l’emblème ou la<br />

mise en abyme du récit, et le récit, corollairement, une réécriture voire une correction d’un<br />

mythe qu’il n’était pourtant pas originellement <strong>de</strong>stiné à rencontrer.<br />

Michel Murat partage d’ailleurs cet avis, lorsqu’il écrit que<br />

672 « J’ai songé à écrire ce livre et j’ai commencé dans la <strong>de</strong>mi-heure suivante, je crois, à écrire » (entretien avec<br />

Jean Paget déjà cité) ; ou encore « une heure avant <strong>de</strong> le commencer, je n’y songeais pas » (entretien avec<br />

Gilbert Ernst, publié dans le Cahier <strong>de</strong> l’Herne sur Julien Gracq, p. 212).<br />

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