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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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4. Le silence <strong>de</strong> la terre gaste<br />

Pour ce qui est, maintenant, du second type <strong>de</strong> mythèmes, les « paquets <strong>de</strong> relations », nous<br />

avons déjà eu l’occasion d’abor<strong>de</strong>r, à propos <strong>de</strong> la Tresplaisante et Recreative Hystoire <strong>de</strong><br />

1530, le problème <strong>de</strong> la parole et du silence, ainsi que celui <strong>de</strong> la terre gaste. Ces <strong>de</strong>ux<br />

mythèmes se trouvent liés dans la plupart <strong>de</strong>s interprétations anthropologiques ou<br />

psychanalytiques, qui s’accor<strong>de</strong>nt à envisager d’un même regard le silence <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> et la<br />

stérilité du domaine du graal. Ces <strong>de</strong>ux éléments, je le disais, sont <strong>de</strong> ceux qu’une démarche<br />

structurale à la Lévi-Strauss permet <strong>de</strong> mettre au jour ; l’un comme l’autre, en effet, se<br />

trouvent richement surdéterminés dans la structure horizontale du texte, et c’est bien par une<br />

verticalisation (ou par un traitement « harmonique », pour reprendre la métaphore musicale<br />

qu’employait Lévi-Strauss) qu’ils peuvent être regroupés en « paquets <strong>de</strong> relations » et<br />

apparaître, <strong>de</strong> ce fait, comme <strong>de</strong>s récurrences signifiantes.<br />

Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer l’importance que cette problématique <strong>de</strong> la terre<br />

gaste revêtait dans L’Élucidation (cf. ci-<strong>de</strong>ssus p. 123), qui proposait, en guise <strong>de</strong> prologue au<br />

Conte du Graal, une sorte <strong>de</strong> mythe primitif associant la stérilité <strong>de</strong> la terre à un viol perpétré<br />

contre les fées qui habitaient les lieux auparavant.<br />

Dans le Conte du graal, l’opposition entre fertilité et stérilité forme en quelque sorte un<br />

double portique d’entrée dans le texte. Elle apparaît tout d’abord dès le premier vers du<br />

prologue, à travers la métaphore <strong>de</strong> l’écriture comme semence :<br />

Ki petit semme petit quelt,<br />

Et qui auques requeillir velt,<br />

<strong>En</strong> tel liu sa semence espan<strong>de</strong><br />

Que Diex a cent doubles li ran<strong>de</strong>;<br />

Car en terre qui riens ne valt,<br />

Bone semence seche et faut. (vv. 1-6)<br />

Chrétien, en écrivant son conte pour le Comte Philippe <strong>de</strong> Flandres sème sa graine en terre<br />

fertile, si bien que sa semence ne sèchera pas.<br />

Et puis, une fois le prologue achevé, la première rime du poème revient à une image <strong>de</strong><br />

fertilité : « foillissent » rime avec « verdissent » dans cette évocation liminaire <strong>de</strong> la reverdie<br />

– topos littéraire qui se trouve pourtant immédiatement placé dans un équilibre instable,<br />

puisque, aussitôt après avoir chanté les « arbres qui feuillissent » et les « prés qui verdissent »,<br />

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