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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Or, dans Opéra et drame déjà, Wagner notait que « dans le drame, nous <strong>de</strong>vons <strong>de</strong>venir<br />

sachants par le sentiment » 374 . Quelques années plus tard, il se conforte dans ses convictions à<br />

la lecture <strong>de</strong> Schopenhauer, qui dissocie clairement l’enten<strong>de</strong>ment (Verstand) <strong>de</strong> la raison<br />

(Vernunft), le premier étant défini comme une saisie intuitive (commune, d’ailleurs, aux<br />

hommes et aux animaux) qui se trouve ensuite médiatisée dans une forme rationnelle.<br />

Schopenhauer, comme Wagner, tient l’intuition pour supérieure au raisonnement rationnel, en<br />

ce sens qu’elle perçoit l’essence <strong>de</strong>s choses dont la raison ne saisit que les rapports<br />

réciproques 375 .<br />

On voit bien ce que <strong>de</strong> telles considérations ont pu produire dans les livrets <strong>de</strong> Wagner et ce<br />

que lui doivent <strong>de</strong>s personnages comme Tannhäuser, Walther, Siegfried ou Parsifal. Mais le<br />

« nous » dont il est question dans l’extrait d’Opéra et drame que nous venons <strong>de</strong> lire (« dans<br />

le drame, nous <strong>de</strong>vons <strong>de</strong>venir sachants par le sentiment ») ne désigne pas le personnage du<br />

drame, mais bien son spectateur. La dynamique d’intellection par le truchement <strong>de</strong>s sens<br />

débor<strong>de</strong> les limites <strong>de</strong> la scène et se répand dans la salle, <strong>de</strong> même que le geste ré<strong>de</strong>mpteur est<br />

aussi bien interne à la plupart <strong>de</strong>s drames wagnériens qu’externe, c’est-à-dire porté dans la<br />

salle par le rapport particulier que ces drames instaurent avec leur public.<br />

Dans ce sens, le public ne doit-il pas recevoir Parsifal comme Parsifal reçoit le baiser <strong>de</strong><br />

Kundry ? Ne doit-il pas comprendre dans sa chair, sous l’effet <strong>de</strong> l’émotion artistique, ce<br />

qu’aucun raisonnement rationnel ne pourrait lui amener ? On retrouve fréquemment sous les<br />

plumes <strong>de</strong> ceux qui ont eu le privilège <strong>de</strong> voir les premières représentations <strong>de</strong> Parsifal à<br />

Bayreuth cette idée qu’on en sort transformé, purifié ; nous verrons plus loin les échos<br />

littéraires qu’ont pu en donner un Wyzewa ou encore un Péladan, pour qui l’expérience <strong>de</strong><br />

Parsifal a représenté un tournant décisif. Émilie <strong>de</strong> Morsier exprime très nettement cette idée<br />

lorsqu’elle écrit :<br />

Pourquoi faut-il, après une pareille émotion, qui transporte notre conscience <strong>de</strong> l’être<br />

au <strong>de</strong>là <strong>de</strong>s bornes terrestres, nous retrouver dans notre moi, si petit, si mesquin, si<br />

limité ? Mais quelque fugitive qu’ait été l’illusion, elle nous a révélé le vrai éternel ! 376<br />

Et un peu plus loin, elle conclut :<br />

Il importe peu <strong>de</strong> savoir à quelles sources philosophiques ou religieuses Wagner a<br />

cherché ses inspirations pour exprimer l’idée <strong>de</strong> l’évolution progressive <strong>de</strong> l’âme. Il<br />

374 WAGNER, Oeuvres en prose, p. 39 du vol. V.<br />

375 Cf. EDOUARD SANS, Richard Wagner et la pensée schopenhauerienne, <strong>Paris</strong>: Klincksieck, 1969, p. 66.<br />

376 EMILIE DE MORSIER, Parsifal <strong>de</strong> Richard Wagner ou l’idée <strong>de</strong> la ré<strong>de</strong>mption, <strong>Paris</strong>: Fischbacher, 1914, pp.<br />

44-5.<br />

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