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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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celui que le lexicologue opère pour donner une définition d’un mot. Dans les <strong>de</strong>ux cas, il<br />

s’agit d’une approximation qui n’a pas <strong>de</strong> réalité, à proprement parler ; comme le dit Kibédi<br />

Varga, « le récit mythique minimal, celui <strong>de</strong>s dictionnaires, est un texte mort que chacun<br />

reprend et habille autrement » 117 . Mais ce texte mort, qu’il faudrait peut-être appeler plutôt<br />

« texte virtuel » 118 , nous est indispensable dans la mesure où, bien qu’il n’existe pas à<br />

proprement parler (sinon d’une existence fragmentée, dispersée entre une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> textes),<br />

c’est tout <strong>de</strong> même lui qui nous permet <strong>de</strong> reconnaître un mythe lorsque celui-ci n’est pas<br />

explicitement mentionné. Et il n’y a pas lieu <strong>de</strong> douter que tout lecteur, lisant l’histoire d’un<br />

homme qui tue son père et s’éprend <strong>de</strong> sa mère, i<strong>de</strong>ntifiera immanquablement la trace du<br />

mythe d’Œdipe dans un texte qui n’aura nul besoin d’appeler la mère Jocaste pour que<br />

l’hypotexte 119 mythique soit convoqué par le lecteur.<br />

11. Détecter la présence du mythe<br />

Une fois reconnu le principe d’un dédoublement <strong>de</strong>s voix, il reste à former son oreille à<br />

entendre la voix du mythe, même lorsque celle-ci reste très discrète.<br />

Lorsque j’évoquais les « allusions minimales » qu’un texte peut faire à un mythe, j’ai<br />

mentionné la présence d’un nom mythique. Il s’agit évi<strong>de</strong>mment d’un cas <strong>de</strong> figure commo<strong>de</strong>,<br />

où une perche explicite est tendue à notre sagacité herméneutique. Mais encore convient-il <strong>de</strong><br />

préciser que le nom n’est pas toujours un renvoi au mythe et peut parfois prêter à confusion.<br />

S’il est probable qu’un nom comme Don Juan ou Prométhée sera difficilement prononcé sans<br />

allusion au mythe que ces héros incarnent, il n’en va pas <strong>de</strong> même d’un Oreste, d’un <strong>Perceval</strong><br />

(surtout dans le domaine anglo-saxon) ou d’un Fausto (en italien). C’est notamment ce<br />

flottement relatif au nom propre qui portait Durand à s’en défier et à lui préférer le geste<br />

verbal. Dans ce sens, il faut insister sur l’importance <strong>de</strong> la redondance entre un nom et un<br />

mythème pour s’autoriser à solliciter un mythe comme hypotexte pertinent. La chose n’est pas<br />

toujours simple, et il faut se gar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> forcer les analogies.<br />

Mais le nom propre présente au moins le mérite <strong>de</strong> rendre explicite le point <strong>de</strong> jonction entre<br />

le texte et le mythe – si mythe il y a. La présence d’une « structure invisible » (second<br />

117<br />

Ibid., pp. 71-2.<br />

118<br />

Plus qu’à une idée platonicienne, cette virtualité renverrait à la dynamis aristotélicienne : un texte « en<br />

puissance ».<br />

119<br />

J’emploie dès à présent ce terme emprunté à Genette. Je rappelle (en simplifiant un peu) que Genette appelle<br />

« hypotexte » le texte source sur lequel s’appuie un texte secondaire qui est appelé « hypertexte » s’il est luimême<br />

un texte littéraire (ou « métatexte » s’il est <strong>de</strong> nature purement commentative). Cf. GÉRARD GENETTE,<br />

Palimpsestes. La littérature au second <strong>de</strong>gré, <strong>Paris</strong>: Seuil, "Poétique", 1982, pp. 8-12.<br />

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