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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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C’est donc explicitement que Proust associe la révélation qui constitue l’aboutissement <strong>de</strong> la<br />

Recherche (cette « vérité » finale qu’il annonçait à Jacques Rivière au terme <strong>de</strong> son<br />

« troisième volume ») avec l’illumination qui permet à Parsifal d’aller au terme <strong>de</strong> sa <strong>quête</strong>.<br />

Si l’on admet l’idée que Proust envisageait, au moment où il écrit à Jacques Rivière, un<br />

parallélisme <strong>de</strong> construction entre son roman et le drame <strong>de</strong> Wagner, il pourrait alors sembler<br />

paradoxal que la musique qui se joue dans le salon <strong>de</strong> la Princesse <strong>de</strong> Guermantes soit le<br />

<strong>de</strong>uxième et non le troisième acte <strong>de</strong> Parsifal.<br />

<strong>En</strong> réalité, les choses ne sont pas tout à fait aussi simples : plongé dans ses réflexions, le<br />

narrateur entend tout à coup la musique qui se joue au salon, et il reconnaît le passage en<br />

question comme l’<strong>En</strong>chantement du Vendredi saint. Or l’<strong>En</strong>chantement du Vendredi saint<br />

n’est pas au <strong>de</strong>uxième, mais au troisième acte <strong>de</strong> Parsifal. Plusieurs critiques, <strong>de</strong>vant cette<br />

confusion, ont conclu que Proust s’était simplement trompé. On ne saurait l’exclure ; mais il<br />

n’est pas interdit <strong>de</strong> penser, compte tenu <strong>de</strong> la très bonne connaissance que Proust avait <strong>de</strong>s<br />

opéras <strong>de</strong> Wagner, qu’une telle « erreur » ait pu être tout à fait volontaire : s’il est certain que<br />

la réflexion que mène le narrateur rattache son illumination à celle que Parsifal vit au<br />

<strong>de</strong>uxième acte <strong>de</strong> l’opéra, au moment du baiser <strong>de</strong> Kundry, il n’en reste pas moins que le<br />

moment où Parsifal est vraiment prêt à assumer les conséquences concrètes <strong>de</strong> cette<br />

illumination est, précisément, l’<strong>En</strong>chantement du Vendredi saint. C’est à ce moment-là, tandis<br />

que le printemps s’étend sur toute la nature, qu’il peut se mettre en marche pour retourner à<br />

Montsalvat et achever triomphalement sa mission. Ne faut-il pas, dès lors, imaginer que<br />

Proust con<strong>de</strong>nse volontairement les <strong>de</strong>ux moments, pour suggérer que, contrairement à ce qui<br />

se passe pour Parsifal, la révélation que reçoit son narrateur, préparée <strong>de</strong> longue main, lui<br />

permet <strong>de</strong> se mettre tout <strong>de</strong> suite en marche vers l’accomplissement que cette lumière<br />

nouvelle lui désigne ? Tandis que la révélation porte d’abord Parsifal à assécher le jardin <strong>de</strong><br />

Klingsor et à faner toutes les fleurs avant que le vrai printemps ne ramène la nature à la vie,<br />

on aurait ici un court-circuit en vertu duquel l’illumination entraîne directement la mise en<br />

marche vers l’aboutissement <strong>de</strong> la <strong>quête</strong> : le livre à écrire.<br />

Quoi qu’il en soit, la façon dont le narrateur décrit l’impression que lui procure la musique <strong>de</strong><br />

l’<strong>En</strong>chantement du Vendredi saint montre bien le lien étroit qui existe entre ses pensées du<br />

moment et la musique <strong>de</strong> Wagner. Il est en train <strong>de</strong> s’interroger sur la possibilité pour un<br />

individu <strong>de</strong> reconnaître une vérité qu’il n’a jamais connue mais qu’un artiste est parvenu à<br />

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