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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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décrite, en revenant <strong>de</strong> Bayreuth. Ce mouvement va <strong>de</strong> la scène à la salle : le spectateur doit<br />

vivre ce que vit Parsifal.<br />

Mais il s’opère, en quelque sorte, une contrepartie à ce mouvement, qui en inverse la direction<br />

et en vertu duquel le spectateur a tendance à projeter dans l’œuvre ce qu’il en a<br />

personnellement reçu et à attribuer à Parsifal une forme <strong>de</strong> révélation similaire à celle qu’il a<br />

retirée <strong>de</strong> la représentation. Certes, cette façon <strong>de</strong> conférer à une œuvre un « message » qui ne<br />

correspond qu’à ce qu’on est personnellement disposé à y lire est un travers largement<br />

répandu et qui ne concerne en rien le seul Parsifal. Pourtant, la dialectique que ce<br />

Bühnenweihfestspiel met en œuvre le rend peut-être plus propre qu’aucune autre œuvre <strong>de</strong> son<br />

temps à légitimer ce type <strong>de</strong> projection. Ne pourrait-on pas dire, en effet, que le cadre très<br />

particulier dans lequel s’inscrivaient les représentations <strong>de</strong> Parsifal, avec leur dimension <strong>de</strong><br />

sacre, était particulièrement propice à ce que tout effet soit interprété par le spectateur comme<br />

une visée ? C’est-à-dire que le spectateur aurait spontanément tendance à placer dans l’œuvre<br />

même, comme une forme d’intentionnalité immanente, ce que, dans tout autre contexte, il<br />

attribuerait à sa réception subjective. Les « pèlerins » <strong>de</strong> Bayreuth n’avaient-ils pas<br />

l’impression plus ou moins diffuse qu’ils <strong>de</strong>vaient sortir <strong>de</strong> Parsifal transformés, et que, si tel<br />

était le cas, alors c’est que « ça avait marché » – que leur transformation était inscrite dans<br />

l’œuvre elle-même, qu’ils avaient vraiment comprise, au contraire <strong>de</strong> tous ceux qui en<br />

sortaient simplement touchés par telle ou telle beauté, sans être vraiment autres que ce qu’ils<br />

étaient la veille ?<br />

• Péladan, « second Constantin »<br />

C’est en ce sens, me semble-t-il, qu’on peut comprendre l’association surprenante que<br />

Péladan fait entre Parsifal et les recherches ésotériques. Le « Sâr », en effet, considère la<br />

représentation <strong>de</strong> Parsifal (à Bayreuth en 1888) comme une <strong>de</strong>s plus gran<strong>de</strong>s illuminations <strong>de</strong><br />

sa vie. C’est à ce moment qu’il conçoit l’idée <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r l’ordre <strong>de</strong> la Rose-Croix du Temple et<br />

du Graal, dont la « constitution », datée <strong>de</strong> « l’an <strong>de</strong> la Ré<strong>de</strong>mption 1892 » 426 , emprunte <strong>de</strong><br />

nombreux motifs au <strong>de</strong>rnier drame <strong>de</strong> Wagner. Ainsi, par exemple, le Grand Maître désignera<br />

lui-même, « <strong>de</strong>vant le Graal, dans Montsalvat restauré », « celui <strong>de</strong> Nos Gurnemanz, ou <strong>de</strong><br />

Nos Parsifal, élu à la redoutable gloire » <strong>de</strong> lui succé<strong>de</strong>r (p. 291). L’objectif premier <strong>de</strong> l’ordre<br />

en question est une « réforme <strong>de</strong> la sensibilité » dont les échos wagnériens sont manifestes :<br />

426 JOSEPHIN PELADAN, Constitutions <strong>de</strong> la Rose-Croix le Temple et le Graal, dans Oeuvres choisies, <strong>Paris</strong>: Les<br />

Formes du secret, 1979, p. 295.<br />

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