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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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nullement partagée par Gérard. Ils ne sont pas concurrents, et Gérard n’intervient que dans<br />

l’espoir d’ai<strong>de</strong>r Allan. Par cette intercession, on renoue avec un trait qui n’avait pas sa place<br />

dans Argol, mais qu’Un beau ténébreux paraît retrouver dans la tradition percevalienne<br />

médiévale : le motif <strong>de</strong> la question. Toute la gran<strong>de</strong> discussion entre Allan et Gérard est<br />

orientée par une question à poser. Allan présente d’emblée cette rencontre comme un<br />

« interrogatoire » (p. 209), mais il faut attendre une douzaine <strong>de</strong> pages pour en venir,<br />

finalement, à la question qui clôt cet entretien : « Mis <strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s conséquences, qui peuvent<br />

être imprévisibles, ce rôle, qui vous dépasse sans doute, vous sentez-vous le droit <strong>de</strong><br />

l’assumer ? » (p. 222).<br />

Suit la brève réponse d’Allan, sous forme <strong>de</strong> question : « et pourquoi non ? », puis une<br />

<strong>de</strong>rnière réplique <strong>de</strong> Gérard : « c’est bien, je ne vois rien <strong>de</strong> plus à vous dire », et un « silence<br />

pesant ».<br />

De façon tout à fait significative, c’est là que s’achève le journal <strong>de</strong> Gérard. Depuis la<br />

troisième page du récit, le lecteur suivait ce journal ; pour les quelques dizaines <strong>de</strong> pages qui<br />

restent, le narrateur principal reprend la parole et termine le récit sur la base <strong>de</strong> fragments <strong>de</strong><br />

lettres et <strong>de</strong> toutes les informations qu’il a obtenues en interrogeant Gérard et quelques autres.<br />

Tout se passe comme si, après avoir posé la question qu’il avait à poser, Gérard se<br />

<strong>de</strong>ssaisissait ou était <strong>de</strong>ssaisi <strong>de</strong> sa voix.<br />

Cette question – la suite du roman nous l’apprend – n’aura pas la vertu magique qu’est<br />

supposée avoir la question percevalienne, et peut-être le rapprochement, d’ailleurs, est-il<br />

quelque peu hasar<strong>de</strong>ux. Mais on relèvera néanmoins, outre la place stratégique qu’occupe<br />

cette question, la dynamique qui veut qu’elle soit posée dans le but <strong>de</strong> « refermer la blessure<br />

d’Amfortas » (si les parallèles esquissés sont valables). Et cette question, <strong>de</strong> surcroît, est en<br />

lien direct avec la compassion : Gérard manifeste <strong>de</strong> la compassion en comprenant le sens <strong>de</strong><br />

la « blessure » et en parvenant à aller jusqu’à poser cette question difficile dont il pense<br />

qu’elle pourrait « sauver » celui à qui il la pose. Et d’autre part, c’est justement <strong>de</strong> la<br />

compassion que Gérard réclame d’Allan lorsqu’il lui parle <strong>de</strong>s conséquences <strong>de</strong> son acte : il<br />

l’exhorte à sortir <strong>de</strong> l’égoïsme dans lequel son rôle le retient pour penser au bien-être <strong>de</strong> ceux<br />

qui l’entourent. <strong>En</strong> ce sens, la question que pose Gérard pourrait bien ressembler à celle que<br />

<strong>Perceval</strong> <strong>de</strong>vrait poser à Amfortas, dans Le Roi Pêcheur : lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r s’il mesure bien les<br />

conséquences que son rôle induit pour le mon<strong>de</strong>.<br />

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