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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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ici, par le retrait du fils, impuissant à résister, comme le dit Dandrea, au poids écrasant du<br />

père.<br />

Je reviendrai sur cette interprétation, pour l’étayer, lorsque nous abor<strong>de</strong>rons Le Rivage <strong>de</strong>s<br />

Syrtes ; mais ce qu’il faut noter dès à présent, c’est que le triangle percevalien, tel qu’il est<br />

posé dans Le Roi Pêcheur, présente naturellement une forme qui le rend hautement perméable<br />

à une contamination <strong>de</strong> la structure œdipienne. Nous avons un homme jeune, ou plutôt un<br />

enfant qui est précisément en train <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir un homme ; un homme plus âgé, doté d’une<br />

autorité symbolique forte – attachée, en l’occurrence, à la royauté, mais aussi, plus<br />

secrètement, à un vécu (il a fait ce que le jeune homme désire) ; une femme, enfin, que son<br />

âge indéterminé rend susceptible <strong>de</strong> séduire ou <strong>de</strong> fasciner l’un et l’autre <strong>de</strong>s hommes.<br />

• Le panachage <strong>de</strong>s couleurs<br />

Avant <strong>de</strong> quitter Le Roi Pêcheur, récapitulons un peu plus précisément le panachage <strong>de</strong>s<br />

« couleurs » représentées dans la pièce : Kundry incarne l’attente <strong>de</strong> l’événement. Quoi qu’il<br />

doive lui en coûter, elle aspire sans réserve au changement, et son intercession consiste à faire<br />

jouer ses capacités <strong>de</strong> séduction pour convaincre <strong>Perceval</strong> d’aller jusqu’au bout <strong>de</strong> sa <strong>quête</strong>.<br />

Amfortas, <strong>de</strong> son côté, incarne le compromis satisfaisant du statu quo. Il a organisé son<br />

mon<strong>de</strong> autour <strong>de</strong> l’attente d’un événement qu’il a fini par ne plus souhaiter, autour d’une<br />

blessure dont il ne désire plus la guérison. Il connaît la fougue <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong>, parce qu’il l’a lui-<br />

même vécue, mais il sait à présent que le mon<strong>de</strong> a besoin d’un <strong>de</strong>mi-jour fait d’espoir et <strong>de</strong><br />

rêves plutôt que <strong>de</strong> l’éclat aveuglant d’un événement décisif.<br />

A ce titre, Amfortas est en quelque sorte dédoublé, dans la pièce, par <strong>de</strong>ux figures<br />

symétriques, qui toutes <strong>de</strong>ux se sont aussi installées dans cette attente et y ont fait leur nid :<br />

comme Amfortas le dit à Clingsor :<br />

toi et Trévrizent l’Ermite, vous vous faites pendant. Vous êtes là, embusqués aux<br />

portes du château comme <strong>de</strong>ux vieilles allégories vermoulues du bien et du mal. Le<br />

saint et le damné ! L’ascète et l’eunuque ! (p. 53)<br />

On notera au passage que Gracq retire à la parole <strong>de</strong> l’ermite l’autorité dont elle était dotée<br />

chez Wolfram et Chrétien : il n’est plus qu’une voix, parallèle à celle <strong>de</strong> Clingsor, et tous<br />

<strong>de</strong>ux sont relégués « aux portes du château ». Il y a là une volonté, <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> Gracq,<br />

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