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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Mais quelques problèmes subsistent : le premier tient à la difficulté qu’il y a à assimiler a<br />

priori la croyance et l’oralité. Il paraît pour le moins hasar<strong>de</strong>ux, en effet, <strong>de</strong> supposer que<br />

c’est la mise par écrit qui signe, brutalement, le passage d’un régime d’adhésion quasi-<br />

religieuse à une distance critique qui permet <strong>de</strong> lire un mythe au second <strong>de</strong>gré. S’il est<br />

impossible <strong>de</strong> répondre <strong>de</strong> manière tranchée à la question provocatrice <strong>de</strong> Paul Veyne <strong>de</strong><br />

savoir si les Grecs ont cru à leurs mythes 39 , il est néanmoins vraisemblable que, <strong>de</strong> manière<br />

générale, l’abandon d’un régime <strong>de</strong> croyance au profit d’une lecture au second <strong>de</strong>gré se fait<br />

sur une durée relativement longue et qu’elle ne coïnci<strong>de</strong> certainement que très imparfaitement<br />

avec la « littérarisation » d’un mythe, même si les <strong>de</strong>ux processus sont sans doute liés. Et<br />

encore faudrait-il définir avec précision les modalités <strong>de</strong> cette « croyance » pour rendre<br />

perceptible le caractère chromatique du continuum qui va <strong>de</strong> la foi irréfléchie à une certaine<br />

forme <strong>de</strong> cynisme : le choix entre <strong>de</strong>ux options radicales (croire/ne pas croire) n’est<br />

certainement pas propre à rendre compte <strong>de</strong> la complexité du phénomène d’adhésion d’un<br />

individu à un mythe. Et il faudrait aussi préciser quelle part du récit mythique emporte<br />

l’adhésion : en est-ce la lettre, ou l’esprit – pour reprendre la distinction paulinienne si utile<br />

dans la constitution du credo chrétien ? Jean Pouillon suggère que si<br />

l’on imagine mal Lévi-Strauss persuadé qu’une fiente d’oiseau tombée sur l’épaule<br />

d’un Indien puisse y germer sous la forme d’un gros arbre, pourquoi faudrait-il<br />

admettre que les Bororo trouvent cela plausible ? On a rarement <strong>de</strong>s informations sur<br />

ce que les gens pensent réellement <strong>de</strong> ce qu’ils racontent. 40<br />

Il arrive pourtant que ce soit le cas, comme dans cet exemple très éloquent que Sylvie<br />

Ballestra-Puech emprunte à l’africaniste Pierre Smith : un missionnaire ayant <strong>de</strong>mandé à un<br />

Zoulou s’il croyait vraiment que les choses s’étaient passées comme le mythe le disait, le<br />

Zoulou lui aurait répondu :<br />

Avant l’arrivée <strong>de</strong>s missionnaires, si on <strong>de</strong>mandait : « Qu’est-ce qui a fait ces pierres<br />

ou le soleil ? », on répondait « C’est Umvelinqangi ! ». Car nous avions l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

poser <strong>de</strong>s questions quand nous étions petits et nous pensions que les vieux savaient<br />

tout. <strong>En</strong> réalité, ils ne savent pas, mais nous ne les contredisons pas, car nous non<br />

plus, nous ne savons pas. 41<br />

39<br />

PAUL VEYNE, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes? Essai sur l'imagination constituante, <strong>Paris</strong>: Seuil, "Points<br />

Essais", 1983.<br />

40<br />

JEAN POUILLON, "La Fonction mythique", Le Temps <strong>de</strong> la réflexion, no 1 (1980), pp. 88-9.<br />

41<br />

Cité dans BALLESTRA-PUECH, "Longue durée et grands espaces: le champ mythocritique", p. 29.<br />

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