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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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son désir. Rempart bien ténu, au <strong>de</strong>meurant, et qui ne résiste pas longtemps : Agnès le traite<br />

d’enfant et lui parle le langage <strong>de</strong> sa mère : « C’est l’heure <strong>de</strong> rentrer, Clau<strong>de</strong>. A votre âge,<br />

vous <strong>de</strong>vriez être couché. » Vexé, il réplique qu’il n’est pas un enfant et, « dans un violent<br />

sursaut <strong>de</strong> sincérité douloureuse » (II, 116), il lui avoue qu’il l’aime et a besoin d’elle. Elle lui<br />

souhaite bonne nuit et fait mine <strong>de</strong> s’en aller, et Clau<strong>de</strong> s’effondre en pleurs. « Pauvre petit !<br />

soupira-t-elle en lui caressant les cheveux […]. Vous n’en pouvez plus, vous tombez <strong>de</strong><br />

sommeil ». Il se laisse aller et se couche sur un banc, « la tête renversée sur les genoux <strong>de</strong> la<br />

jeune femme ». Lorsqu’il ouvre les yeux, il se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> quelle est cette ombre penchée sur<br />

son visage :<br />

Elle n’avait pas le visage d’Elisa [i.e. la mère <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong>]. Une autre suppléait à son<br />

absence, une mère plus tendre et plus jeune…<br />

- C’est moi ; n’ayez pas peur.<br />

- Que faites-vous, Agnès ? Ne faites pas cela !<br />

- Sois sans crainte, mon chéri ! lui souffla-t-elle d’une voix à peine perceptible. (II,<br />

117)<br />

Et c’est l’instant fatal du baiser, la « longue minute silencieuse » au terme <strong>de</strong> laquelle une<br />

musique « remont[e] <strong>de</strong> l’abîme » <strong>de</strong> sa mémoire. Cette musique n’est pourtant pas le<br />

<strong>de</strong>uxième acte <strong>de</strong> Parsifal (« Amfortas ! Die Wun<strong>de</strong> ! »), mais le <strong>de</strong>uxième acte <strong>de</strong> Tristan<br />

(« dann bin ich die Welt… »).<br />

Mais « le surplus », comme disait la mère <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong>, ne suit pas, et paraît même ne <strong>de</strong>voir<br />

jamais suivre, tant Clau<strong>de</strong> se trouve écrasé par l’ambivalence <strong>de</strong> ses aspirations. « D’autres se<br />

lamentent sur leur pureté perdue ; lui, c’était sur l’impossibilité <strong>de</strong> la perdre. Il pleurait <strong>de</strong><br />

dépit, <strong>de</strong> rage, d’impuissance » (II, 140). Il se sent comme dans une prison <strong>de</strong> verre « qui<br />

n’empêche pas <strong>de</strong> voir les objets ni <strong>de</strong> les désirer, mais seulement <strong>de</strong> les embrasser » (II, 141).<br />

Et cette paroi <strong>de</strong> verre, ce ne sont pas les conditions extérieures qui la dressent entre lui et son<br />

amour, mais une sorte <strong>de</strong> fatalité interne, qu’on pourrait aussi bien appeler Dieu.<br />

La suite du texte présente <strong>de</strong>s affinités plus discrètes avec la trame percevalienne. Il faut<br />

signaler la passion <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong> pour la musique et, en particulier, l’exaltation où le plonge la<br />

découverte <strong>de</strong> Wagner. A ce propos, une scène mérite d’être rapportée : le troisième livre du<br />

prologue est titré « L’<strong>En</strong>chantement du Vendredi saint ». Il raconte l’éblouissement double<br />

ressenti par Clau<strong>de</strong> pendant la messe du dimanche <strong>de</strong>s Rameaux : éblouissement à la fois face<br />

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