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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Toutes proportions gardées, il en va <strong>de</strong> même du mythe. Lorsque Lévi-Strauss suggère <strong>de</strong><br />

considérer le mythe comme « l’ensemble <strong>de</strong> toutes ses versions » 106 , il adopte un point <strong>de</strong> vue<br />

qui, à l’échelle du mot, est celui du lexicologue : il s’agit <strong>de</strong> fournir une image synthétique<br />

d’une réalité beaucoup plus complexe ; il s’agit <strong>de</strong> superposer autant d’emplois que possible<br />

pour dégager quelques structures fondamentales qui puissent rendre compte d’une gran<strong>de</strong><br />

majorité <strong>de</strong> ces emplois. Et <strong>de</strong> même que le dictionnaire présente le mérite <strong>de</strong> nous délivrer<br />

une première approximation du sens d’un mot que nous lisons chez le poète, <strong>de</strong> même la<br />

vision structuraliste du mythe nous permettra, comme je l’ai déjà souligné, d’isoler certaines<br />

caractéristiques dominantes du mythe considéré.<br />

Pourtant, dans un cas comme dans l’autre, ce seul regard sera inapte à rendre compte <strong>de</strong> la<br />

dimension « somatique », au sens quignardien, <strong>de</strong> l’objet, puisqu’il ne proposera qu’une<br />

valeur moyenne <strong>de</strong> toutes ces « incarnations » ponctuelles, lesquelles resteront, en quelque<br />

sorte, lettre morte. Mais d’autre part, la dimension <strong>de</strong> synchronisation qu’implique<br />

généralement cette valeur moyenne ne permet pas non plus une historicisation <strong>de</strong> la « trace ».<br />

Ainsi, toute réécriture d’un mythe s’inscrit à l’intersection <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux axes que sont d’une part<br />

la logique interne (syntagmatique et synchronique) <strong>de</strong> l’œuvre dans laquelle elle opère, et<br />

d’autre part la perspective dialogique (paradigmatique et diachronique) qui la fait entrer en<br />

contact intertextuel avec le reste du mon<strong>de</strong>.<br />

L’outil qui permettra <strong>de</strong> rendre compte d’un tel objet <strong>de</strong>vrait donc être très exactement ajusté<br />

à ce point précis où la jonction <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux axes s’opère. Il faudrait pouvoir montrer à la fois<br />

la validité intrinsèque d’une réécriture dans son contexte d’énonciation, et la place qu’elle<br />

prend, en tant que réplique, dans le grand jeu <strong>de</strong> questions et réponses qui marque le <strong>de</strong>venir<br />

historique d’un mythe.<br />

La réécriture mythique, à ce titre, présente beaucoup d’analogies avec le travail <strong>de</strong> citation. Si<br />

l’on en croit Antoine Compagnon, en effet, le sens d’une citation se compose <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux faces :<br />

une valeur <strong>de</strong> signification (i.e. le sens <strong>de</strong> l’énoncé cité), et un complexe <strong>de</strong> valeurs <strong>de</strong><br />

répétition (valeurs dialogiques acquises dans le procès <strong>de</strong> répétition) 107 . Le processus d’accès<br />

au sens complet d’une citation passe donc par trois phases distinctes : la reconnaissance<br />

106 CLAUDE LEVI-STRAUSS, Anthropologie structurale, <strong>Paris</strong>: Plon, 1958, p. 240.<br />

107 Cf. ANTOINE COMPAGNON, La Secon<strong>de</strong> main ou le travail <strong>de</strong> la citation, <strong>Paris</strong>: Seuil, 1979, p. 69.<br />

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