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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Lorsque <strong>Perceval</strong> découvre son nom, c’est donc la première fois que son i<strong>de</strong>ntité n’est pas<br />

relative, n’est pas rattachée à un contexte donné et à un discours extérieur, mais est<br />

susceptible <strong>de</strong> le situer comme individu, dans quelque circonstance que ce soit.<br />

<strong>En</strong>core cette i<strong>de</strong>ntité nouvellement acquise est-elle immédiatement mise en cause, nous<br />

l’avons vu : à peine a-t-il prononcé son nom que « <strong>Perceval</strong> le Gallois » s’entend dire que son<br />

nom est changé et qu’il se trouve aussitôt rebaptisé « Perchevax li chaitis » (le malheureux,<br />

l’infortuné).<br />

Toujours est-il que la découverte du nom s’inscrit ici manifestement dans un mouvement <strong>de</strong><br />

connaissance <strong>de</strong> soi dont elle représente une étape importante ; et, comme le relevait<br />

Gouttebroze, il n’est pas anodin que cette étape soit atteinte au moment où <strong>Perceval</strong> sort d’une<br />

situation où il n’a pas donné suite à une sollicitation muette qui lui était faite par sa famille<br />

maternelle. L’« échec » <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> au château du graal l’écarte donc <strong>de</strong> l’attraction<br />

endogamique.<br />

A l’inverse, Œdipe, au sommet <strong>de</strong> sa gloire, ne fait pas <strong>de</strong> la résolution <strong>de</strong> l’énigme une étape<br />

décisive dans la connaissance <strong>de</strong> soi, et sa « victoire » le mène tout droit à l’irrémédiable<br />

inceste prévu par les oracles.<br />

Cette réflexion sur les affinités structurales qu’entretiennent le mythe <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> et celui<br />

d’Œdipe va nous permettre d’abor<strong>de</strong>r à présent quelques réécritures percevaliennes mo<strong>de</strong>rnes.<br />

On ne peut qu’être frappés, en effet, <strong>de</strong> noter que les <strong>de</strong>ux reprises <strong>de</strong> notre matière que je<br />

considère comme les plus riches (Wagner et Gracq) mettent toutes <strong>de</strong>ux au cœur <strong>de</strong> leur<br />

lecture du mythe <strong>de</strong>s structures relationnelles qui continuent <strong>de</strong> placer <strong>Perceval</strong> face à la<br />

figure d’Œdipe, toujours repoussée mais toujours présente, proche, voire menaçante. S’il est<br />

vrai que <strong>Perceval</strong> est un Œdipe inversé, il faut alors noter que ce miroir, qui renvoie une<br />

image symétriquement inverse, doit présenter à ses yeux un pouvoir d’attraction permanent<br />

pour revenir sur son chemin <strong>de</strong> manière si récurrente. Des textes médiévaux à Wagner, puis<br />

<strong>de</strong> Wagner à Gracq, on assiste en quelque sorte à une double radicalisation structurale. La<br />

trame percevalienne se défait <strong>de</strong> tout ce qui y est du ressort <strong>de</strong> la narration épisodique pour se<br />

concentrer sur <strong>de</strong>s schèmes relationnels qui, en <strong>de</strong>rnière instance, permettent <strong>de</strong> projeter le<br />

« mythe » <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> hors <strong>de</strong> l’« histoire » <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong>.<br />

C’est du moins ce que j’espère parvenir à montrer dans les pages qui suivent.<br />

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