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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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contraire, est celui qui « se crée son <strong>de</strong>stin lui-même » et « apparaît comme personne » 729 .<br />

Elle poursuit :<br />

Ainsi, <strong>Perceval</strong>, déchiré, crée-t-il en effet son propre <strong>de</strong>stin : celui d’un échec. Les<br />

personnages tragiques prennent pour un déguisement la chape <strong>de</strong> leur rôle et, la<br />

rejetant, ils affrontent le <strong>de</strong>stin avec les seules ressources <strong>de</strong> leurs aptitu<strong>de</strong>s<br />

personnelles, minées par les contradictions psychologiques, dans un conflit intérieur<br />

qui <strong>de</strong>vient tragique par la disproportion entre une force psychique et un <strong>de</strong>voir<br />

épique. 730<br />

<strong>Perceval</strong> choisit donc <strong>de</strong> rejeter un rôle pour rester une personne – c’est-à-dire personne ; il<br />

disparaît comme il était venu, et les veilleurs reprennent leurs gar<strong>de</strong>s inutiles. Aldo, au<br />

contraire, endosse le rôle pour <strong>de</strong>venir quelqu’un, au sens le plus impersonnel du terme :<br />

comme le lui disait Vanessa pour relativiser la portée <strong>de</strong> son geste : « quelqu’un est allé là-<br />

bas. Parce qu’il n’y avait pas d’autre issue. Parce que c’était l’heure. Parce qu’il fallait que<br />

quelqu’un y aille... » (p. 768). Aldo et <strong>Perceval</strong> sont désignés comme le « quelqu’un »<br />

potentiel du moment, l’« homme <strong>de</strong> la situation » ; mais le second renonce à ce statut, ce qui,<br />

en effet, le maintient <strong>de</strong>rrière Amfortas. Aldo, au contraire, est le premier, parmi les avatars<br />

percevaliens <strong>de</strong> Gracq, qui franchit la limite et <strong>de</strong>vient, <strong>de</strong> ce fait, celui par qui le scandale<br />

arrive, reléguant « Amfortas » dans le rôle secondaire <strong>de</strong> celui qui tente <strong>de</strong> préserver la<br />

relative quiétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’ordre établi.<br />

6. De la blessure à la transgression<br />

A ce titre, Le Roi Pêcheur se situe à la croisée <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux régimes <strong>de</strong> la réécriture percevalienne<br />

<strong>de</strong> Gracq : celui qui repose sur la primauté écrasante <strong>de</strong> la blessure, et celui qui procè<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />

transgression d’une limite.<br />

De façon moins nette, on pourrait dire qu’Un beau ténébreux conjugue également ces <strong>de</strong>ux<br />

tendances : si la « blessure » d’Allan <strong>de</strong>meure le centre autour duquel tourne le récit,<br />

maintenant les autres personnages dans un statut second, la dimension <strong>de</strong> limite est<br />

extrêmement présente à travers tout ce récit. Dès les premières pages se manifeste très<br />

fortement l’impression qu’on est à la frontière <strong>de</strong> quelque chose : frontière temporelle <strong>de</strong><br />

l’arrière-saison qui voit ce lieu <strong>de</strong> vacances se transformer en une sorte <strong>de</strong> « fantôme en plein<br />

jour » (p. 99) où la vie n’est plus qu’un souvenir ; frontière physique, ensuite, où les éléments<br />

729 JACQUELINE CHENIEUX, "La Tentation dans l’oeuvre <strong>de</strong> Gracq", Revue <strong>de</strong>s Sciences humaines, no 157/1<br />

(1975), p. 110.<br />

730 I<strong>de</strong>m<br />

459

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