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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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masse <strong>de</strong> ceux qui se déclaraient tels pour être dans le ton. Colette fait dire à la narratrice <strong>de</strong><br />

Claudine s’en va (1903), secrètement déçue <strong>de</strong> son séjour à Bayreuth, qu’« il n’y a pas assez<br />

loin d’un entracte <strong>de</strong> Parsifal à un thé parisien, à un cinq heures chez ma belle-sœur Marthe,<br />

ou chez cette abominable Valentine Chessenet » 434 , et c’est là un avis partagé par un nombre<br />

croissant <strong>de</strong>s pèlerins <strong>de</strong> Bayreuth.<br />

C’est à ce public <strong>de</strong> wagnériens embourgeoisés que s’adresse Marinetti, avec sa violence<br />

coutumière, dans un manifeste <strong>de</strong> 1914 intitulé « A bas le tango et Parsifal », et sous-titré :<br />

« lettre futuriste circulaire à quelques amies cosmopolites qui donnent <strong>de</strong>s thés-tangos et se<br />

parsifalisent » 435 . Le texte s’achève sur un argument massue <strong>de</strong>stiné à ce public<br />

« cosmopolite » : « aimer aujourd’hui Wagner et Parsifal que l’on joue partout et surtout en<br />

province !... […] , voyons, ce n’est plus chic ! » (p. 352).<br />

Les griefs retenus contre Parsifal sont nets et le diagnostic est sans appel :<br />

Parsifal c’est la dépréciation systématique <strong>de</strong> la vie ! Fabrique coopérative <strong>de</strong> tristesse<br />

et <strong>de</strong> désespoir. Tiraillements peu mélodieux d’estomacs faibles. Mauvaise digestion et<br />

haleine lour<strong>de</strong> <strong>de</strong>s vierges <strong>de</strong> quarante ans. Plaintes <strong>de</strong> vieux prêtres bedonnants et<br />

constipés. Vente en gros et en détail <strong>de</strong> remords et <strong>de</strong> lâchetés élégantes pour snobs.<br />

Insuffisance du sang, faiblesse <strong>de</strong>s reins, hystérie, anémie et chlorose. Génuflexion,<br />

abrutissement et écrasement <strong>de</strong> l’Homme. Rampement ridicule <strong>de</strong> notes vaincues et<br />

blessées. Ronflement d’orgues ivres et vautrées dans le vomissement <strong>de</strong> leitmotive<br />

amers. Larmes et perles fausses <strong>de</strong> Marie-Ma<strong>de</strong>leine en décolleté <strong>de</strong> chez Maxim.<br />

Purulence polyphonique <strong>de</strong> la plaie d’Amfortas. Somnolence pleurnicheuse <strong>de</strong>s<br />

chevaliers du Saint-Graal. Satanisme ridicule <strong>de</strong> Kundry… Passéisme ! Passéisme !<br />

Assez. (p. 352)<br />

Outre quelques considérations d’ordre musical ou social (le « décolleté <strong>de</strong> chez Maxim »), le<br />

fond du problème, pour Marinetti, semble se résumer à la première formule <strong>de</strong> la liste :<br />

« Parsifal c’est la dépréciation systématique <strong>de</strong> la vie ». On sent poindre <strong>de</strong>rrière ce jugement<br />

l’ombre <strong>de</strong> Nietzsche, qui reprocha si violemment à Wagner le ton <strong>de</strong> son <strong>de</strong>rnier drame :<br />

Parsifal est une œuvre <strong>de</strong> perfidie, <strong>de</strong> basse vengeance, qui empoisonne en secret les<br />

sources <strong>de</strong> la vie. C’est une œuvre mauvaise. Prêcher la chasteté, c’est inciter à la<br />

434<br />

COLETTE, Claudine s'en va, dans Oeuvres I, éd. Clau<strong>de</strong> Pichois, <strong>Paris</strong>: Gallimard, "Bibliothèque <strong>de</strong> la<br />

Pléia<strong>de</strong>", 1984, p. 624.<br />

435<br />

FILIPPO TOMMASO MARINETTI, A bas le tango et Parsifal!, dans Futurisme. Manifestes, documents,<br />

proclamations, éd. Giovanni Lista, Lausanne: L'Age d'Homme, 1973, p. 351.<br />

264

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