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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Philippe Ménard, qui note en particulier que Gerbert avait connaissance du Tristan en prose,<br />

dont la première rédaction est à peu près contemporaine <strong>de</strong> la Continuation <strong>de</strong> Manessier 853 .<br />

On peut ajouter que si Manessier écrivait après Gerbert, le « sou<strong>de</strong>ment » dont il parle serait<br />

alors celui sur lequel s’achève la Quatrième Continuation. Mais dans ce cas, il serait<br />

surprenant d’une part que l’épée ressoudée par Tribuët se brise à nouveau 854 , et d’autre part,<br />

que <strong>Perceval</strong> retourne alors auprès <strong>de</strong> ce même Tribüet, qui ressou<strong>de</strong> son épée (vv. 38’923-<br />

39026), alors que chez Gerbert, le forgeron était mort aussitôt après avoir ressoudé l’épée 855 .<br />

La question est assez complexe : le manuscrit T <strong>de</strong> la Troisième Continuation (manuscrit qui<br />

contient aussi le texte <strong>de</strong> Gerbert) propose une interpolation selon laquelle ce serait ici le fils<br />

<strong>de</strong> Tribüet qui ressou<strong>de</strong> l’épée <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong>, ce qui permet d’enchaîner les <strong>de</strong>ux textes sans<br />

contradiction manifeste – à condition <strong>de</strong> dédoubler les épées. C’est ce que propose Marie-<br />

Noëlle Toury, suggérant que<br />

les <strong>de</strong>ux épées ont recouvré, à la fin du roman <strong>de</strong> Manessier, leur beauté originelle<br />

mais surtout elles sont emblématiques <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux axes du récit : l’épée réparée par<br />

Tribuët sert, en coupant la tête <strong>de</strong> Partinal, à accomplir la vengeance, tandis que<br />

l’autre, restaurée par <strong>Perceval</strong>, est attachée au Graal et à ses manifestations<br />

miraculeuses. 856<br />

Mais l’affaire se complique, du fait que l’épée ressoudée par Tribuët est celle que, chez<br />

Chrétien, le Roi Pêcheur a donnée à <strong>Perceval</strong>. La chose est explicite, puisque c’est la cousine<br />

<strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> qui, au sortir du château du graal, lui annonçait que l’épée qu’il venait <strong>de</strong> recevoir<br />

se briserait et serait ressoudée par Tribuët près du lac <strong>de</strong> Cothoatre (vv. 3673-83) – ce qui se<br />

produit exactement chez Gerbert (vv. 600-1 et vv. 869-77). C’est donc cette épée qui, selon<br />

Marie-Noëlle Toury, serait liée à la vengeance, tandis que celle qui est dans la bière <strong>de</strong> la<br />

Première Continuation, paradoxalement, serait associée non à la vengeance, mais au graal,<br />

alors que cet épiso<strong>de</strong> apparaît pourtant comme l’émergence la plus brute, dans l’ensemble <strong>de</strong>s<br />

continuations, <strong>de</strong> cet archétype <strong>de</strong> vengeance auquel est aussi attribuable la décapitation <strong>de</strong><br />

853 Cf. PHILIPPE MÉNARD, "L'Histoire du Chevalier au Cygne dans La Continuation du <strong>Perceval</strong> <strong>de</strong> Gerbert",<br />

dans Marginalité et littérature. Hommage à Christine Martineau-Génieys, éd. Maurice Accarie et alii, Nice:<br />

ILF-CNRS, 2000, p. 256.<br />

854 MANESSIER, The Third Continuation, p. 34, v. 33’493.<br />

855 GERBERT DE MONTREUIL, La Continuation <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong>, p. 29, v. 907. Dans le même ordre d’idées,<br />

Manessier aurait aussi « oublié » que <strong>Perceval</strong> a épousé Blanchefleur chez Gerbert… Mais ces remarques<br />

peuvent aisément être retournées : si Gerbert avait lu Manessier, n’aurait-il pas aussi pu éviter ses divergences et<br />

tenir compte non seulement <strong>de</strong> ce qui précédait son texte, mais aussi <strong>de</strong> ce qui le suivait ? La chose ne va pas <strong>de</strong><br />

soi, même s’il n’est pas aberrant <strong>de</strong> supposer que l’ar<strong>de</strong>ur rectificatrice <strong>de</strong> Gerbert (que nous évoquerons plus<br />

loin) a pu le porter à dresser sa parole contre celle <strong>de</strong> Manessier, par exemple en corrigeant (<strong>de</strong> façon anticipée)<br />

l’« oubli » du mariage <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> et Blanchefleur…<br />

856 MANESSIER, La Troisième Continuation du Conte du Graal, texte édité par William Roach, trad. Marie-<br />

Noëlle Toury, <strong>Paris</strong>: Honoré Champion, "Champion classiques", 2004, p. 28.<br />

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