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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Les réflexions qui précè<strong>de</strong>nt indiquent assez qu’il ne serait pas pertinent d’utiliser la<br />

dichotomie structure/sens pour établir une séparation entre <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> « variations » sur un<br />

modèle mythique, dont l’un serait structural et l’autre sémantique. L’imbrication du sens et <strong>de</strong><br />

la structure rend une telle distinction inappropriée. Toutefois, si l’on renonce à l’utiliser dans<br />

une perspective typologique, cette dichotomie se révèle pourtant au moins propre à maintenir<br />

notre attention en éveil sur la co-présence, dans toute réécriture mythique, d’une dimension <strong>de</strong><br />

mise à jour d’une structure, et d’un travail <strong>de</strong> reprise du sens, qui sont généralement<br />

indissociables l’un <strong>de</strong> l’autre mais peuvent néanmoins être considérés séparément.<br />

7. La trace et le corps<br />

Cela étant, je voudrais proposer une autre dichotomie, qui ne recoupe pas la première, mais<br />

paraît plus directement opératoire dans la perspective pratique qui est la mienne. Il s’agit<br />

d’une dichotomie qui met en regard la trace et le corps.<br />

Dans un très beau passage <strong>de</strong> Rhétorique spéculative, Pascal Quignard définit le langage<br />

comme « investigation » – <strong>de</strong> vestigium, la trace <strong>de</strong> pas. Il assimile le langage <strong>de</strong>s philosophes<br />

à cette trace, ce « vestige dont on peut se déprendre, ou qu’on peut corriger, comme le sôma-<br />

sèma, comme le corps animal <strong>de</strong>venu tombeau et signe » 104 . Le logos est « inaperçu à la<br />

philosophia dans son déploiement <strong>de</strong> la même façon que l’air, aux ailes <strong>de</strong>s oiseaux,<br />

s’ignore ». Mais il précise que « ce n’est en aucun cas le vestige, c’est le corps qui investigue<br />

dans le langage » 105 , et que c’est donc lui qui intéresse le poète.<br />

Un mot, ainsi, sera trace pour le philosophe, qui ne verra en lui que l’outil propre à<br />

l’expression d’un sens, mais il sera corps pour le poète. L’un cherchera à atteindre sa<br />

transparence ; l’autre à accentuer son opacité. Le mot prononcé est toujours en tension entre<br />

ces <strong>de</strong>ux fonctions : renvoyer à du « déjà dit » ou surgir comme une fulgurance sans passé (ou<br />

du moins oublieuse <strong>de</strong> ce passé). Le mot du poète est toujours neuf, mais il a toujours déjà<br />

vécu ; il naît ici et maintenant, mais il est en connexion étroite avec la mémoire <strong>de</strong> la<br />

littérature et <strong>de</strong> la langue. Dans sa fonction esthétique, le mot se trouve donc toujours placé en<br />

équilibre entre son histoire parmi les « mots <strong>de</strong> la tribu », comme dit Mallarmé, et sa valeur<br />

ponctuelle, hors <strong>de</strong> toute historicité.<br />

104 PASCAL QUIGNARD, Rhétorique spéculative, <strong>Paris</strong>: Calmann-Lévy, 1995, p. 21.<br />

105 Ibid., p. 22.<br />

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