30.06.2013 Views

En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Si l’on suit cette conception, on peut donc considérer, avec Jean-François Candoni, que<br />

« Lohengrin est un héros <strong>de</strong> légen<strong>de</strong> plus qu’un héros mythique en ce sens qu’il essaie<br />

d’incarner dans un univers historique l’idéalité mythique du Saint-Graal ». Et Candoni<br />

poursuit :<br />

Si un personnage entre dans la légen<strong>de</strong> parce qu’il met en œuvre dans la réalité<br />

historique un principe mythique supérieur, on peut en déduire que Wagner considère<br />

le mythe comme un modèle archétypal qu’il s’agit <strong>de</strong> réaliser concrètement en une<br />

époque et en un lieu donnés. 358<br />

Wagner a échafaudé plusieurs projets d’opéra qui se situent, à <strong>de</strong>s <strong>de</strong>grés divers, autour <strong>de</strong><br />

cette frontière (Wieland le forgeron, Frédéric Ier, La Sarrasine), mais aucun n’a été achevé.<br />

Si l’on en croit l’explication que Wagner lui-même donne dans Ma Vie, il aurait été détourné<br />

<strong>de</strong> cette voie par « l’apparition d’une force d’attraction plus puissante : un projet sur la<br />

légen<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Nibelungen et <strong>de</strong> Siegfried, qui traitait d’un point <strong>de</strong> vue mythique un thème<br />

semblable » 359 . La citation est intéressante. Dans cet extrait <strong>de</strong> Ma Vie, Wagner vient <strong>de</strong><br />

décrire le plan <strong>de</strong> son Frédéric Ier : c’est donc au thème <strong>de</strong> ce projet que celui <strong>de</strong>s Nibelungen<br />

est considéré comme « semblable », si l’on excepte le « point <strong>de</strong> vue mythique » choisi <strong>de</strong><br />

préférence à un point <strong>de</strong> vue historique 360 .<br />

A travers ces textes théoriques, nous voyons donc se préciser une vision <strong>de</strong> plus en plus<br />

archétypale du mythe que confirme à l’évi<strong>de</strong>nce un parcours parmi les œuvres dramatiques. Si<br />

Lohengrin finit par quitter le mon<strong>de</strong> historique pour repartir dans la patrie mythique d’où il est<br />

venu, c’est parce qu’il n’est pas parvenu à trouver sa place dans ce mon<strong>de</strong>. C’est comme si le<br />

mythe n’était pas parvenu à s’intégrer au mon<strong>de</strong> historique, le départ <strong>de</strong> Lohengrin figurant<br />

l’échec d’un mariage entre les <strong>de</strong>ux sphères.<br />

Les drames suivants <strong>de</strong> Wagner ne chercheront plus à son<strong>de</strong>r cette frontière entre mythe et<br />

histoire : exception faite <strong>de</strong>s Maîtres-Chanteurs, qui est ancré dans l’histoire, tous les opéras<br />

358<br />

CANDONI, La Genèse du drame musical wagnérien. Mythe, politique et histoire dans les oeuvres dramatiques<br />

<strong>de</strong> Richard Wagner entre 1833 et 1850, p. 313.<br />

359<br />

Cité dans ibid., p. 320.<br />

360<br />

Nous retrouvons dans cette assimilation la superposition d’histoire et <strong>de</strong> mythe que présentaient les<br />

Wibelungen, à propos <strong>de</strong> la même matière (Frédéric Ier et le Nibelungen) ; Ma Vie a pourtant été écrit vers 1865,<br />

soit une quinzaine d’années après les Wibelungen. Et puisque je souligne les aspects structuraux <strong>de</strong> la pensée <strong>de</strong><br />

Wagner, peut-être n’est-il pas inintéressant <strong>de</strong> signaler ici un essai relativement peu connu <strong>de</strong> Saussure où celuici<br />

se penche avec passion sur le mythe <strong>de</strong>s Nibelungen, <strong>de</strong>rrière lequel il met toute son énergie à chercher les<br />

traces d’événements historiques réels (FERDINAND DE SAUSSURE, Le Leggen<strong>de</strong> germaniche, éd. Anna Marinetti<br />

et Marcello Meli, Este: Libreria editrice Zielo, 1986).<br />

211

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!