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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Croisant les feux <strong>de</strong> l’anthropologie et <strong>de</strong> la psychanalyse, Jean-Guy Gouttebroze met en<br />

relation ces conclusions lévi-straussiennes avec l’assimilation que la psychanalyse fait <strong>de</strong><br />

l’usage <strong>de</strong> la parole et <strong>de</strong> l’exercice <strong>de</strong> la sexualité ; il corrobore ainsi l’idée d’un lien direct<br />

entre le silence <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong>, la stérilité <strong>de</strong> la « terre gaste » et un interdit <strong>de</strong> nature sexuelle 201 .<br />

Et du côté <strong>de</strong> la psychanalyse freudienne, on ne s’étonnera pas <strong>de</strong> voir formulé, sous la plume<br />

d’Henri Rey-Flaud, un rapprochement <strong>de</strong> même nature :<br />

Dans ce mon<strong>de</strong> [la « terre gaste »], la chaîne signifiante s’est détachée <strong>de</strong> la pulsion.<br />

Les objets ici ont perdu leur substance (substare). Ils ne font plus signe à l’homme, ils<br />

ne l’appellent plus au lieu <strong>de</strong> son inconscient pour mettre en branle l’élan <strong>de</strong> la libido.<br />

Si bien que ce <strong>de</strong>rnier, incapable <strong>de</strong> les investir, reste <strong>de</strong>vant eux indifférent, arrêté<br />

dans une contemplation stupi<strong>de</strong>. 202<br />

Mais n’entrons pas plus avant dans ces considérations, que nous aurons l’occasion <strong>de</strong><br />

retrouver sur notre chemin, et contentons-nous pour l’heure d’insister sur le fait que les<br />

lectures anthropologique et psychanalytique s’accor<strong>de</strong>nt à rendre tout à fait déplacée l’idée<br />

que le silence <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> <strong>de</strong>vant le graal ait pu mener au viol <strong>de</strong> jeunes filles. Dans la liste<br />

<strong>de</strong>s conséquences décrites par la Demoiselle Hi<strong>de</strong>use, c’est d’ailleurs la seule qui atteste un<br />

excès <strong>de</strong> communication, toutes les autres étant du côté du manque.<br />

Un tel exemple me paraît particulièrement intéressant dans la mesure où il met en évi<strong>de</strong>nce un<br />

fait spécifique à l’intertextualité « mythique ». J’ai déjà insisté sur le fait que le récit hanté par<br />

le mythe, plus que tout autre sans doute, tend à dissocier radicalement <strong>de</strong>ux niveaux <strong>de</strong><br />

discours : bien loin en <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> la surface du texte, dans <strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>urs qui sont<br />

inaccessibles sans outils appropriés, une autre logique est à l’œuvre, qui se révèle<br />

difficilement commensurable avec la logique superficielle du récit. Il suffit, pour s’en<br />

convaincre, d’observer combien, dans l’exemple qui nous occupe ici, un détail <strong>de</strong> surface,<br />

d’apparence tout à fait insignifiante, peut venir perturber ou même rompre la structure<br />

profon<strong>de</strong> du mythe. Et à l’inverse, nous aurons probablement l’occasion <strong>de</strong> constater que <strong>de</strong>s<br />

variations formelles tout à fait considérables peuvent n’avoir que peu d’inci<strong>de</strong>nce sur la<br />

logique souterraine d’un récit.<br />

L’absence d’Alexandre dans le prologue ne faisait que supprimer un élément <strong>de</strong> redondance<br />

par rapport à une structure latente, sans compromettre le réseau auquel cette redondance<br />

201 JEAN-GUY GOUTTEBROZE, Qui perd gagne. Le <strong>Perceval</strong> <strong>de</strong> Chrétien <strong>de</strong> Troyes comme représentation <strong>de</strong><br />

l’Oedipe inversé, Nice: Centre d'Etu<strong>de</strong>s Médiévales <strong>de</strong> Nice, "Textes et essais", 1983, p. 40.<br />

202 HENRI REY-FLAUD, Le Sphinx et le Graal, <strong>Paris</strong>: Payot, "Bibliothèque scientifique", 1998, p. 245.<br />

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