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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Il n’en <strong>de</strong>meure pas moins que la représentation mentale qu’il convient <strong>de</strong> se faire du graal,<br />

quelle que soit l’utilisation à laquelle il est voué, est bien ici celle d’un textus. Qu’est-ce donc<br />

qu’un « textus » ? <strong>En</strong> latin vulgaire, le terme textus est utilisé pour désigner un évangéliaire.<br />

Dans son Glossarium mediaie et infimae latinitatis (1678), Du Cange en donne la définition<br />

suivante : « Liber seu Co<strong>de</strong>x Evangeliorum […] auro gemmisque ut plurimum exornatus », et<br />

il semble que le pluriel texti était couramment employé dans le domaine scandinave pour<br />

désigner les livres sacrés. Le caractère « auro gemmisque exornatus » sur lequel insiste Du<br />

Cange permet, en outre, <strong>de</strong> mieux saisir comment l’or et les pierres précieuses qui figurent<br />

dans la <strong>de</strong>scription que Chrétien donne du graal peuvent se combiner avec l’image d’un livre.<br />

Il est évi<strong>de</strong>nt que la dimension presque liturgique du cortège du graal pouvait laisser imaginer<br />

que le seul objet susceptible d’en occuper le centre était un livre saint. Mais on peut supposer<br />

par ailleurs que le traducteur a eu une autre raison <strong>de</strong> construire cette image : l’étymologie du<br />

mot graal a fait l’objet <strong>de</strong> bien <strong>de</strong>s conjectures, et celle qui le rapproche <strong>de</strong> « graduel » n’est<br />

sans doute pas la plus invraisemblable. Il se trouve que, précisément, le dictionnaire <strong>de</strong><br />

l’ancienne langue française <strong>de</strong> Go<strong>de</strong>froy (1881-1902) donne « graduel, livre d’église »<br />

comme définition <strong>de</strong> grael (dont il mentionne aussi la graphie graal)…<br />

• Le « livre latin » <strong>de</strong> Paulin <strong>Paris</strong><br />

Survolons l’océan <strong>de</strong>s âges : lors <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> redécouverte <strong>de</strong> la littérature médiévale, dans la<br />

secon<strong>de</strong> moitié du XIXème siècle, l’hypothèse étymologique que l’on peut prêter au<br />

traducteur scandinave du Conte du graal réapparaît comme un argument philologique : dans<br />

la longue introduction qu’il donne à ses Romans <strong>de</strong> la Table Ron<strong>de</strong> mis en nouveau langage,<br />

Paulin <strong>Paris</strong> renvoie justement au dictionnaire <strong>de</strong> Du Cange pour démontrer que le graal n’est<br />

autre, à l’origine, qu’un livre.<br />

La quatrième partie <strong>de</strong> l’introduction <strong>de</strong> Paulin <strong>Paris</strong> est intitulée « Sur le livre latin du Graal<br />

et sur le poème <strong>de</strong> Joseph d’Arimathie ». Contestant les propos <strong>de</strong> Montalembert et <strong>de</strong><br />

quelques autres qui affirment que les Bretons n’ont jamais manifesté <strong>de</strong> tendance<br />

schismatique, Paulin <strong>Paris</strong> soutient que les écrits relatifs au graal sont la meilleure preuve du<br />

contraire. Faisant pièce à plusieurs autres légen<strong>de</strong>s hagiographiques nationales, l’histoire <strong>de</strong><br />

Joseph d’Arimathie contient, selon lui, un puissant ferment <strong>de</strong> schisme, dans la mesure où<br />

Joseph, « dépositaire du vrai sang <strong>de</strong> Jésus-Christ », est présenté dans ce texte comme « le<br />

premier évêque investi par le Christ du droit <strong>de</strong> transmettre le sacrement <strong>de</strong> l’Ordre aux<br />

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