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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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que la dynamique du récit favorisait trop la lecture hégélienne selon laquelle Aldo, l’homme<br />

du <strong>de</strong>stin, était le nécessaire instigateur d’un renouvellement salutaire ? <strong>En</strong> tous les cas, le<br />

tableau cauchemar<strong>de</strong>sque qu’il dresse <strong>de</strong> l’« après » redonne quelque crédit à l’idée du déclin<br />

d’une « culture » en « civilisation », bien que la métaphore hégélienne du Phénix n’empêche<br />

nullement <strong>de</strong> voir le « rougeoiment » <strong>de</strong> la patrie détruite comme celui d’un feu crépusculaire<br />

dont les cendres, à l’instar <strong>de</strong> celles du Walhalla, produiront sans doute un mon<strong>de</strong> meilleur.<br />

La question <strong>de</strong> savoir si Aldo a été touché par la grâce ou par « sa caricature grimaçante »<br />

(p. 729), reste entière à l’issue <strong>de</strong> ce passage ambigu.<br />

Mais d’autre part, il n’est pas impossible qu’une autre motivation <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux pages rési<strong>de</strong><br />

dans le déplacement qu’elles opèrent au sein <strong>de</strong>s modèles fonctionnels que le mythe fournit au<br />

récit : l’accumulation d’un vocabulaire renvoyant à Amfortas ou à Herminien dans ce passage<br />

pourrait porter à le lire comme le lieu où se révèle, dans l’au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’Événement qui sépare<br />

<strong>Perceval</strong> d’Amfortas, la profon<strong>de</strong> réversibilité <strong>de</strong> leurs rôles. Aldo, en assumant le rôle qui fait<br />

<strong>de</strong> lui « celui par qui le scandale arrive », franchirait-il, au moins d’un pied, la frontière qui<br />

sépare <strong>Perceval</strong> d’Amfortas ? L’acte réalisé, la <strong>quête</strong> aboutie, en plus <strong>de</strong> rapprocher <strong>Perceval</strong><br />

d’Œdipe, gomme aussi une part <strong>de</strong> ce qui le distingue d’Amfortas : que serait un <strong>Perceval</strong> qui<br />

ne cherche plus et qui se retourne sur son parcours ?<br />

5. Celui par qui le scandale arrive<br />

Pour poursuivre cette réflexion, à notre tour regardons en arrière ; maintenant que la ligne<br />

percevalienne a été suivie jusqu’au Rivage <strong>de</strong>s Syrtes, revenons-en au <strong>de</strong>uxième roman <strong>de</strong><br />

Gracq : Un beau ténébreux. Comme je le suggérais précé<strong>de</strong>mment, je ne pense pas qu’il soit<br />

pertinent <strong>de</strong> considérer que les positions du « triangle percevalien » soient incarnées <strong>de</strong> façon<br />

stable dans cet ouvrage. On discerne pourtant plusieurs traits qui rapprochent indéniablement<br />

Allan d’Amfortas et Gérard <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong>, si on considère ces figures mythiques dans les<br />

formes que leur a données Gracq au fil <strong>de</strong> son œuvre (notamment postérieure). On peut ainsi<br />

établir une distinction entre certains traits relationnels qu’Un beau ténébreux doit à Argol, et<br />

d’autres, qui ne se manifesteront dans leur éclairage « percevalien » que plus tard, dans Le Roi<br />

Pêcheur ou Le Rivage <strong>de</strong>s Syrtes.<br />

Dans la première catégorie, on peut placer en particulier l’aura puissante mais non dénuée<br />

d’ambiguïté dont Allan est d’emblée entouré. L’arrivée d’Allan et Dolorès rappelle beaucoup<br />

celle d’Herminien et Hei<strong>de</strong> à Argol, et revêt un semblable poids symbolique : « la voilà, c’est<br />

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