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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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d’Argol, cette prise <strong>de</strong> conscience du lecteur se double d’une prise <strong>de</strong> conscience<br />

« intradiégétique » : à l’intérieur même du récit, un personnage réalise qu’il est un Parsifal.<br />

Il est intéressant <strong>de</strong> dissocier, d’un point <strong>de</strong> vue théorique, les <strong>de</strong>ux niveaux auxquels se joue<br />

la modification interprétative qu’implique l’assimilation d’une trajectoire personnelle avec un<br />

substrat mythique. Lorsque le personnage prend conscience – en l’occurrence, en même<br />

temps que le lecteur – <strong>de</strong> ce qui fait <strong>de</strong> lui l’incarnation d’une figure mythique, il est sommé<br />

<strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r lui-même à une forme <strong>de</strong> réinterprétation <strong>de</strong> sa trajectoire. Le mythe revêt alors<br />

une dimension révélatrice ; il permet aux personnages <strong>de</strong> comprendre le fond d’une situation<br />

dont ils ne percevaient que la surface – et aux lecteurs semblablement. A travers le miroir que<br />

lui tend la gravure, Albert réalise que les liens qui se sont développés <strong>de</strong>puis l’arrivée <strong>de</strong><br />

Hei<strong>de</strong> et Herminien à Argol les placent tous trois dans une situation qui a déjà été exprimée <strong>de</strong><br />

façon particulièrement <strong>de</strong>nse par un mythe. La réinterprétation <strong>de</strong> sa propre trajectoire par le<br />

personnage lui-même rejoint, à un autre niveau diégétique, la réinterprétation à laquelle le<br />

lecteur est convié. Dans les <strong>de</strong>ux cas, le mythe fournit un filtre différent, un nouveau lexique<br />

pour désigner une situation qui n’avait pas encore été envisagée dans ces termes.<br />

D’autre part, j’ai déjà suggéré (cf. ci-<strong>de</strong>ssus p. 59) que lorsqu’un texte intègre un mythe,<br />

comme Argol le fait ici, un double mouvement se produit, par lequel le mythe enrichit le texte<br />

en même temps que le texte rafraîchit, d’une certaine manière, le mythe, ou lui ajoute une<br />

couche <strong>de</strong> sens. Nous avons ici une illustration particulièrement éloquente <strong>de</strong> ce double<br />

mouvement.<br />

<strong>En</strong> effet, au moment où Albert découvre la gravure, il se produit en lui une révélation qui le<br />

porte à se relire lui-même à l’image du mythe mais qui, symétriquement, l’invite aussi à relire<br />

le mythe à sa propre image. Il comprend qu’il est Parsifal et sa situation s’en trouve éclairée<br />

sous un jour absolument nouveau ; mais, dans un même mouvement, il comprend aussi que<br />

Parsifal n’est pas celui qu’il croyait, et le mythe s’en trouve, par contrecoup, également<br />

revisité et révisé.<br />

De même que, chez Chrétien, la découverte par <strong>Perceval</strong> <strong>de</strong> son nom est aussitôt suivie d’un<br />

correctif, <strong>de</strong> même ici, la découverte d’une figure d’i<strong>de</strong>ntification entraîne à sa suite une<br />

immédiate correction <strong>de</strong> cette figure. Dans les <strong>de</strong>ux cas, nous avons affaire à une péjoration,<br />

et on pourrait paraphraser Chrétien en reconstituant le monologue intérieur d’Albert au<br />

moment où il découvre la miniature : « Or celui-ci, qui ne connaissait pas son i<strong>de</strong>ntité<br />

symbolique, la <strong>de</strong>vine et dit "je suis donc <strong>Perceval</strong> le Gallois", mais aussitôt il poursuit : "ou<br />

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