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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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fagot. Je n’invente pas d’univers à mon gré. J’adore ce que j’en peux voir, et, dans ce<br />

que je vois, ce que je juge digne d’être adoré. (p. 44)<br />

Et ce qu’il juge le plus digne d’être adoré, c’est évi<strong>de</strong>mment la beauté <strong>de</strong> la femme. Ainsi le<br />

graal est-il associé à la « coupe intime <strong>de</strong> chair » <strong>de</strong>s « "quarante vierges" dont le trait<br />

particulier est précisément <strong>de</strong> ne point l’être », les « Élus du Graal » étant ceux qui ont été<br />

admis à passer une nuit auprès <strong>de</strong> l’une <strong>de</strong> ces « Immortelles » (p. 11).<br />

L’histoire qui, sur cette base, nous est racontée ne ressemble en rien à une réécriture <strong>de</strong> la<br />

trame percevalienne et présente, au <strong>de</strong>meurant, un intérêt mineur. On peut toutefois<br />

mentionner encore que le rattachement vigoureux <strong>de</strong> ce texte à la France gauloise, issue <strong>de</strong><br />

racines celtiques, n’en reconnaît pas moins Wagner comme le seul artiste qui ait su trouver <strong>de</strong><br />

vrais mots pour parler <strong>de</strong> la matière <strong>de</strong> Bretagne. Loin d’assimiler Parsifal à un discours<br />

empêtré dans le dogme romain, il considère Wagner comme « un créateur, celui-là, une [sic]<br />

celte sans doute » (p. 5) dont « la plume d’or » sut tirer Tristan et Ysol<strong>de</strong> « <strong>de</strong> leurs cendres,<br />

au nez, à la honte <strong>de</strong> nos bactéries <strong>de</strong> <strong>Sorbonne</strong> » (p. 15). C’est, en l’occurrence, <strong>de</strong> Tristan<br />

qu’il parle, mais le fait qu’il ne démente par ce jugement en opposant Parsifal (qui est son<br />

sujet) à Tristan laisse supposer qu’il considère aussi cette œuvre comme plus celtique que<br />

romaine.<br />

Quelques années plus tard, l’avant-propos du Roi Pêcheur <strong>de</strong> Gracq prolongera, d’une<br />

certaine manière, cette position, en se prononçant sur le caractère « pré-chrétien » <strong>de</strong>s mythes<br />

<strong>de</strong> Tristan et du Graal. « Les concessions dont leur affabulation porte la marque ne peuvent<br />

nous donner le change sur leur fonction essentielle d’alibi », écrit-il avant <strong>de</strong> définir cette<br />

matière comme fondamentalement rebelle à « toute tentative <strong>de</strong> baptême à retar<strong>de</strong>ment et <strong>de</strong><br />

frau<strong>de</strong> pieuse » 472 . On retrouve ici une lecture qui était déjà perceptible à travers l’« avis au<br />

lecteur » d’Au château d’Argol, où Gracq se positionnait vigoureusement contre l’idée que le<br />

Parsifal <strong>de</strong> Wagner pourrait signifier « l’ignominie <strong>de</strong> l’extrême-onction sur un cadavre<br />

d’ailleurs encore trop sensiblement récalcitrant » 473 .<br />

L’avant-propos du Roi Pêcheur, écrit en 1947, a beau soulever l’indignation d’un Albert<br />

Béguin (qui venait <strong>de</strong> traduire la Queste <strong>de</strong>l Saint Graal), il n’en reste pas moins qu’il est<br />

prémonitoire <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> vague celtisante qui est déjà en germe et ne va pas tar<strong>de</strong>r à déferler<br />

sur les étu<strong>de</strong>s médiévales : la seule année 1949 voit paraître un article <strong>de</strong> cinquante pages <strong>de</strong><br />

472 GRACQ, Le Roi Pêcheur, p. 11.<br />

473 GRACQ, Au château d'Argol, p. 8.<br />

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