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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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• Le Moyen Âge romantique<br />

Mais, avant <strong>de</strong> suivre Paulin <strong>Paris</strong> dans son travail sur la matière arthurienne, peut-être n’est-il<br />

pas inutile <strong>de</strong> revenir brièvement sur cette association entre le Moyen Âge et le romantisme,<br />

qui apparaît dans toutes les citations que nous venons <strong>de</strong> lire. C’est un lieu commun largement<br />

répandu que le romantisme « réinvente » le Moyen Âge. Mais encore faut-il préciser ce que<br />

cela signifie, et quel Moyen Âge est alors « réinventé ».<br />

Nous avons vu que le Moyen Âge fait en quelque sorte partie <strong>de</strong> la première définition que se<br />

donne le romantisme littéraire ; le lien entre les <strong>de</strong>ux termes s’est imposé très rapi<strong>de</strong>ment, en<br />

particulier en terre germanique où non seulement les poètes cherchent à revivifier une certaine<br />

forme <strong>de</strong> poésie troubadouresque, mais où plus d’un théoricien réfléchit à la place et à la<br />

valeur <strong>de</strong> cette littérature.<br />

Il ne faut pourtant pas se leurrer sur un point : les recherches entreprises dès le milieu du<br />

XVIIIème siècle sur la littérature médiévale, quand bien même elles aboutissent à mettre cette<br />

littérature en parallèle avec les grands textes <strong>de</strong> l’Antiquité, sont pourtant bien loin <strong>de</strong><br />

l’abor<strong>de</strong>r comme on abor<strong>de</strong> Homère ou Virgile. Le parallèle dont Mme <strong>de</strong> Staël rend compte<br />

dans l’extrait <strong>de</strong> De l’Allemagne que j’ai cité (cf. p.175) reste très général : il y a la<br />

mythologie d’un côté et la chevalerie <strong>de</strong> l’autre, c’est entendu ; mais ces <strong>de</strong>ux catégories ne<br />

présentent guère d’homogénéité qu’au niveau <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s articulations éthiques (paganisme<br />

vs. christianisme) et esthétiques (classicisme vs. romantisme, tels qu’ils sont définis dans ce<br />

texte). Au niveau du substrat littéraire sur lequel l’une et l’autre sont supposées prendre<br />

racine, on ne peut pourtant que constater la profon<strong>de</strong> hétérogénéité qui règne, et on se<br />

tromperait lour<strong>de</strong>ment en supposant que la revalorisation <strong>de</strong> la chevalerie porte ceux qui la<br />

pratiquent à considérer avec un même regard l’Ilia<strong>de</strong> et le Lancelot, comme le préconisait<br />

Chapelain. Tandis que les textes gréco-latins constituent un canon marqué par un puissant<br />

génie et longtemps considéré comme indépassable, les textes médiévaux intéressent surtout<br />

ces précurseurs du romantisme parce qu’ils sont issus presque directement du génie naturel<br />

<strong>de</strong>s peuples. C’est Her<strong>de</strong>r, en particulier, qui diffuse en Allemagne cette idée d’une<br />

Naturpoesie qu’il oppose à la Kunstpoesie <strong>de</strong>s siècles suivants, d’un génie naturel qu’il<br />

oppose à l’art (au sens latin : ars), au métier, comme on oppose l’enfance à l’âge mûr. Il<br />

imagine la poésie médiévale comme une sorte d’émanation spontanée d’une collectivité, bien<br />

différente <strong>de</strong> l’art individualiste qui se développera par la suite. C’est tout cela qui s’agrège<br />

dans la notion <strong>de</strong> Volkslied, dont Her<strong>de</strong>r se fait le premier champion, suivi bientôt par une<br />

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