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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Et dans cette perspective, le silence <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> apparaît comme<br />

une façon d’ignorer la présence <strong>de</strong> l’oncle maternel, <strong>de</strong> sous-estimer son rôle et <strong>de</strong> ne<br />

pas reconnaître, par là, les obligations qui s’attachent à une structure <strong>de</strong> parenté<br />

matrilinéaire. 621<br />

Cette structure matrilinéaire se trouve d’ailleurs symbolisée par le cortège, puisque le graal,<br />

symbole <strong>de</strong> pouvoir, est entre les mains d’une femme, tandis que la lance, symbole guerrier et<br />

viril, est portée par un homme.<br />

Ainsi, le texte <strong>de</strong> Chrétien porterait la marque d’une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> mutation <strong>de</strong>s structures <strong>de</strong><br />

parenté, et le silence <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong>, dans ce contexte, aurait été une façon <strong>de</strong> rompre avec une<br />

dynamique endogamique, qui porte en elle le danger <strong>de</strong> l’inceste, pour proposer une formule<br />

révolutionnaire : le mariage d’amour, extra-familial, tel que Gouttebroze imagine qu’il aurait<br />

forcément conclu l’ouvrage <strong>de</strong> Chrétien, s’il avait été achevé :<br />

Sommé <strong>de</strong> se déterminer par rapport au cadre étroit <strong>de</strong>s coutumes et <strong>de</strong>s usages du<br />

groupe auquel il appartient, <strong>Perceval</strong>, par son manque d’à propos et aussi par son<br />

obéissance aux conseils que lui a donnés Gornemant, va, sans le savoir, choisir une<br />

solution étrangère à ce cadre. C’est ainsi qu’il innove. Plus avisé finalement<br />

qu’Œdipe dont la perspicacité, qui n’est qu’apparente, provoque le malheur. 622<br />

De quelque côté que l’on prenne le problème, un point est entendu pour Gouttebroze :<br />

<strong>Perceval</strong> a eu l’attitu<strong>de</strong> la plus opportune en se taisant face au graal.<br />

Il n’en <strong>de</strong>meure pas moins que toutes les voix qui se font entendre dans le roman, et qui<br />

semblent autorisées (la cousine, la Demoiselle Hi<strong>de</strong>use ou l’ermite semblent tous trois avoir<br />

accès à un savoir supérieur à celui du commun <strong>de</strong>s mortels), sont unanimes à dénoncer la<br />

faute <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> ; mais si elles s’accor<strong>de</strong>nt sur l’idée qu’une question posée par <strong>Perceval</strong><br />

aurait rétabli un ordre perturbé, il semble pourtant que toutes n’envisagent pas <strong>de</strong> la même<br />

façon la faute à laquelle est attaché ce silence.<br />

On peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r, pour commencer, si la faute est dans ce silence lui-même ou si elle lui<br />

est antérieure – le silence <strong>de</strong> <strong>Perceval</strong> ne ferait alors que confirmer un état <strong>de</strong> « péché » dans<br />

lequel se trouve déjà le jeune homme, et ne serait qu’une sorte <strong>de</strong> révélateur d’une faute<br />

passée. C’est la piste sur laquelle semblent nous engager à la fois la cousine et l’ermite qui,<br />

tous <strong>de</strong>ux, lient le silence face au graal à un « pechié ». Mais aucun <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux n’explique la<br />

620 Ibid., p. 109.<br />

621 I<strong>de</strong>m<br />

622 Cf. ibid., p. 127.<br />

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