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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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Ce que l’Antiquité nous propose, par exemple ses fables, ses contes milésiens et même<br />

les poèmes homériques, c’est en somme l’équivalent <strong>de</strong> nos « contes <strong>de</strong> vieilles ». Mais<br />

contes pour contes, les nôtres nous conviennent davantage, car ils correspon<strong>de</strong>nt à<br />

notre civilisation qui relève d’une morale plus élevée que la morale païenne. 266<br />

N’est-on pas bien proche <strong>de</strong> ce qui ressort du discours <strong>de</strong> Creuzé, lorsqu’il présente la<br />

chevalerie comme « moins éloignée <strong>de</strong> nos mœurs » et « plus conforme à nos goûts » que la<br />

mythologie antique, ou lorsqu’il évoque le « charme merveilleux » que reçoivent « les fictions<br />

<strong>de</strong> la chevalerie » du fait du « mélange avec nos idées religieuses » (pp. x et xj) ?<br />

Pourtant, si l’on y regar<strong>de</strong> <strong>de</strong> plus près, les <strong>de</strong>ux mouvements prennent leur source dans <strong>de</strong>s<br />

lectures <strong>de</strong> l’histoire sensiblement différentes. Les revendications du « Mo<strong>de</strong>rne » Perrault<br />

s’inscrivent dans une lutte contre la glorification du passé et dans une revalorisation du<br />

présent. Peut-être sommes-nous moins grands que les Anciens, mais, selon l’image <strong>de</strong><br />

Bernard <strong>de</strong> Chartres (qui vécut au siècle <strong>de</strong> Chrétien <strong>de</strong> Troyes…), nous voyons plus loin<br />

qu’eux puisque nous sommes juchés sur leurs épaules. Il suffit <strong>de</strong> lire les premiers vers du<br />

Siècle <strong>de</strong> Louis <strong>de</strong> Grand <strong>de</strong> Perrault pour se convaincre <strong>de</strong> cette vision progressiste :<br />

La belle Antiquité fut toujours venerable,<br />

Mais je ne crus jamais qu’elle fust adorable.<br />

Je voy les Anciens sans ployer les genoux,<br />

Ils sont grands, il est vray, mais hommes comme nous,<br />

Et l’on peut comparer sans craindre d’estre injuste,<br />

Le Siecle <strong>de</strong> LOUIS au beau Siecle d’Auguste.<br />

Le propos est clair : l’Antiquité est opposée au temps présent, et la querelle bien connue que<br />

ce poème contribua à déclencher en 1687 repose sur la comparaison entre le siècle <strong>de</strong> Louis et<br />

celui d’Auguste. Dans ce débat, le conte présente l’avantage stratégique <strong>de</strong> pouvoir se<br />

prévaloir d’une certaine ancienneté et tabler sur l’autorité qui en découle, tout en échappant au<br />

canon antique et en jouant la carte <strong>de</strong> la proximité. A ce titre, on pourrait imaginer que les<br />

légen<strong>de</strong>s médiévales auraient pu servir ce même <strong>de</strong>ssein, comme le proposait Jean Chapelain<br />

en 1647, dans les prémices <strong>de</strong> la querelle, lorsqu’il esquissait un parallèle entre les poèmes<br />

homériques et Lancelot : « fable pour fable, je ne sais, à les considérer <strong>de</strong> près, lesquelles sont<br />

le plus ingénieusement inventées » 267 .<br />

266<br />

MARC SORIANO, Les Contes <strong>de</strong> Perrault. Culture savante et traditions populaires, <strong>Paris</strong>: Gallimard, "Tel",<br />

1977 [1968], p. 312.<br />

267<br />

CHAPELAIN, De la lecture <strong>de</strong>s vieux romans, p. 9.<br />

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