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En quête de Perceval - Université Paris-Sorbonne

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le premier à cause <strong>de</strong> la « sérialité lâche » qui caractérise le texte <strong>de</strong>s Mémoires (cf. p. 124) et<br />

le second parce qu’il n’est qu’une succession <strong>de</strong> « divers thèmes comiques » « ficel[és] <strong>de</strong><br />

façon lâche » (p. 121). Ces exemples, bien qu’on puisse les discuter, offrent donc au moins<br />

<strong>de</strong>ux raisons <strong>de</strong> ne pas être considérés comme mythes littéraires par Sellier.<br />

Mais on peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pourquoi il a choisi comme exemple le cas « facile » du couple<br />

antithétique Don Juan / Casanova ? S’il cherchait vraiment à éprouver la fermeté d’un <strong>de</strong> ses<br />

critères, n’aurait-il pas mieux fait <strong>de</strong> le confronter à <strong>de</strong>s cas plus ambigus ? Prométhée et<br />

Antigone, par exemple, auraient pu fournir un couple antithétique plus résistant : <strong>de</strong>ux figures<br />

<strong>de</strong> la révolte dont la première, entachée d’hybris, est explicitement dirigée à l’encontre <strong>de</strong>s<br />

dieux, tandis que la secon<strong>de</strong>, dans la tragédie athénienne du moins, est essentiellement liée<br />

aux lois <strong>de</strong> la polis ? Y a-t-il vraiment dans le mythe d’Antigone ce « Regard d’en haut » qui<br />

caractériserait le mythe littéraire ? Ou alors faudrait-il exclure Antigone <strong>de</strong> la série <strong>de</strong>s mythes<br />

littéraires ? Et Tristan ? 33 Certes, si l’on considère <strong>de</strong>s enjeux « métaphysiques » larges<br />

comme la liberté ou l’amour, alors il n’est pas difficile <strong>de</strong> trouver dans ces récits une forme <strong>de</strong><br />

transcendance – mais dans ce cas, la refuserait-on à Casanova ?<br />

• L’éclairage métaphysique en question<br />

Ce critère <strong>de</strong> l’éclairage métaphysique me paraît donc sujet à caution. Il me semble que la<br />

fréquence <strong>de</strong>s mythes marqués par la présence d’un « Regard d’en haut » tient essentiellement<br />

à un fait très simple : si le mythe exerce une fascination (pour utiliser un mot cher à André<br />

Dabezies, auquel je reviendrai) sans doute nécessaire à ce qu’il soit perçu comme mythe, c’est<br />

parce qu’il va puiser dans les structures profon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la psyché. Sans faire une part trop<br />

importante aux théories psychanalytiques du mythe, il me semble néanmoins indubitable que<br />

le mythe tire sa force <strong>de</strong> la profon<strong>de</strong>ur dans laquelle s’ancrent ses scénarios. Or, il est certain<br />

que c’est <strong>de</strong> ces profon<strong>de</strong>urs que proviennent également les grands questionnements<br />

métaphysiques (Dieu, la liberté, etc.), et il n’est donc pas surprenant que le mythe soit<br />

essentiellement prédisposé à mettre en jeu <strong>de</strong>s problématiques <strong>de</strong> nature transcendante.<br />

Pourtant, <strong>de</strong>s questions tout aussi essentielles, mais moins directement métaphysiques (la<br />

révolte ou l’amour, les rapports familiaux, etc.) peuvent aussi bien être au cœur <strong>de</strong> mythes qui<br />

ne se caractérisent pas par cette verticalité mise en avant par Sellier.<br />

33 Je précise qu’Antigone et Tristan font précisément partie <strong>de</strong>s quatre figures (avec Don Juan et Faust) pour qui<br />

la dénomination <strong>de</strong> mythe littéraire « n’est pas discutée », selon Sellier (p. 115).<br />

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