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Géographie et imaginaire géographique dans les Voyages ...

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autour de la transformation (rapide) d’une société primitive, primaire (comme le relief, la<br />

végétation, <strong>et</strong>c.) en société plus civilisée. Si le chaos est <strong>géographique</strong>, géologique, il est<br />

également humain. Ainsi, la dialectique de l’homme <strong>et</strong> la terre se noue aussi autour de la mise<br />

en évidence de ce désordre humain archaïque.<br />

Ju<strong>les</strong> Verne utilise la même rhétorique pour décrire l’état primaire de ces Indiens du<br />

haut Orénoque. Indirectement, il induit l’idée selon laquelle l’archaïsme de ces Indiens est lié<br />

à leur localisation <strong>géographique</strong> (loin des centres urbains, donc à la périphérie). Ce<br />

déterminisme <strong>géographique</strong> va s’inverser néanmoins par la suite puisque le Père Espérante va<br />

m<strong>et</strong>tre en place une Mission à c<strong>et</strong>te endroit précis du Venezuela. Ces Indiens sont « de<br />

misérab<strong>les</strong> sauvages, que la civilisation n’avait pu toucher de son souffle ». Le romancier<br />

utilise ici une allégorie (voire une personnification) avant de passer à une comparaison<br />

beaucoup plus dure pour ces oubliés du monde : « Ils semblaient être au dernier degré de<br />

l’échelle humaine ». On r<strong>et</strong>rouve d’ailleurs la même citation <strong>dans</strong> un autre roman de l’auteur :<br />

« […] en tenant pour des êtres doués d’une âme ces indigènes placés au dernier degré de<br />

l’échelle humaine » 621 .<br />

N’oublions pas cependant que c<strong>et</strong>te présentation <strong>et</strong>hnographique puise <strong>dans</strong> l’exotisme<br />

de c<strong>et</strong>te contrée lointaine. La vision proposée par Ju<strong>les</strong> Verne est évidemment européocentrée<br />

<strong>et</strong> témoigne d’une caricature du sauvage typique du XIX ème siècle où la colonisation de<br />

nombreux territoires atteint son paroxysme. L’auteur tente de poser un regard d’<strong>et</strong>hnographe,<br />

notamment lorsqu’il écrit qu’ « un observateur eût soupçonné une certaine intelligence restée<br />

à l’état rudimentaire ».<br />

Ces indigènes véhiculent un premier paradoxe, un premier mythe : « Et ces indigènes<br />

passaient cependant pour si redoutab<strong>les</strong> que leurs congénères osaient à peine s’aventurer sur<br />

ces territoires, <strong>et</strong> on <strong>les</strong> disait si enclins au pillage <strong>et</strong> au meurtre, que <strong>les</strong> marchands de San-<br />

Fernando ne s’aventuraient jamais au-delà de l’Ocamo <strong>et</strong> du Mavaca. Ainsi s’était établie la<br />

détestable réputation dont jouissaient encore <strong>les</strong> Guaharibos, il y avait cinq ou six ans,<br />

lorsque M. Chaffanjon, dédaignant <strong>les</strong> terreurs de ses bateliers, n’hésita pas à poursuivre sa<br />

navigation jusqu’aux sources du fleuve. Mais, après <strong>les</strong> avoir enfin rencontrés à la hauteur du<br />

pic Maunoir, il fit bonne justice de ces accusations mal fondées contre de pauvres Indiens<br />

inoffensifs » 622 .<br />

621 ème<br />

Verne Ju<strong>les</strong>. Les Enfants du capitaine Grant. Chapitre XVI, II partie (« Où le major soutient que ce sont<br />

des singes »).<br />

622<br />

Verne Ju<strong>les</strong>. Le Superbe Orénoque, op. cit., p. 549-550.<br />

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