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Géographie et imaginaire géographique dans les Voyages ...

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vous » 239 . Les fonds sous-marins offrent aussi à l’observateur un spectacle qui ne peut que le<br />

surprendre (la mer étant une œuvre de Dieu pour Ju<strong>les</strong> Verne) : « Je ne saurais peindre l’eff<strong>et</strong><br />

des rayons voltaïques sur ces grands blocs capricieusement découpés, dont chaque angle,<br />

chaque arête, chaque fac<strong>et</strong>te, j<strong>et</strong>ait une lueur différente, suivant la nature des veines qui<br />

couraient <strong>dans</strong> la glace. Mine éblouissante de gemmes, <strong>et</strong> particulièrement de saphirs qui<br />

croisaient leurs j<strong>et</strong>s bleus avec le j<strong>et</strong> vert des émeraudes. […] Et, s’il faut tout dire, je pense<br />

que nous voyons ici des choses que Dieu a voulu interdire aux regards de l’homme ! » 240 .<br />

Ju<strong>les</strong> Verne révèle ici une géographie des espaces interdits où <strong>les</strong> héros explorent la<br />

magnificence de ces ailleurs inaccessib<strong>les</strong> au commun des mortels.<br />

Dans Vingt mille lieues sous <strong>les</strong> mers le capitaine Nemo, aussi mystérieux que son<br />

Nautilus 241 , conduit ses hôtes-prisonniers vers des destinations pour le moins exotiques <strong>et</strong><br />

inattendues (l’Atlantide, le pôle sud). Le narrateur, le professeur Aronnax, est à court de mots<br />

pour exprimer ce qu’il voit, arrivant pour la première fois de sa vie <strong>dans</strong> des lieux magiques,<br />

littéralement extraordinaires (qui sortent de l’ordinaire). D’autres exemp<strong>les</strong> aussi frappants de<br />

c<strong>et</strong>te impossibilité à dire <strong>les</strong> choses 242 se r<strong>et</strong>rouvent à plusieurs reprises <strong>dans</strong> le roman : « Quel<br />

spectacle ! Quelle plume le pourrait décrire ! […] Quel indescriptible spectacle ! […] Quel<br />

spectacle ! Comment le rendre ? » 243 . C<strong>et</strong>te incapacité à pouvoir rendre compte d’un tel<br />

spectacle (naturel) renvoie à une double problématique :<br />

- D’une part, quel est l’intérêt pour l’auteur, un écrivain dont <strong>les</strong> textes doivent être<br />

lisib<strong>les</strong>, d’essayer de décrire, de parler, de peindre l’indescriptible ? Autrement dit, quel est<br />

l’intérêt de s’aventurer <strong>dans</strong> des territoires, à la fois littéraires <strong>et</strong> <strong>géographique</strong>s, qui sont<br />

fondamentalement caractérisés par l’absence de mots suffisamment forts <strong>et</strong> évidents pour <strong>les</strong><br />

dire ? La réponse à c<strong>et</strong>te double interrogation est simple : il s’agit de faire rêver le lecteur,<br />

d’activer son <strong>imaginaire</strong>, d’ancrer <strong>dans</strong> son esprit une géographie merveilleuse.<br />

- D’autre part, quels ressorts, littéraires <strong>et</strong> <strong>géographique</strong>s, utiliser alors pour parler de<br />

ces espaces hors de l’ordinaire ? C’est à ce niveau que <strong>les</strong> figures de rhétorique interviennent,<br />

pour perm<strong>et</strong>tre à l’auteur de peindre l’extraordinaire 244 . La métaphore, bien plus puissante que<br />

la comparaison, perm<strong>et</strong> ce genre d’exercice. Marc Brosseau, <strong>dans</strong> son ouvrage Des romans-<br />

239 Verne Ju<strong>les</strong>. Kéraban-le-Têtu (1883). Chapitre XIII, Première partie.<br />

240 Verne Ju<strong>les</strong>. Vingt mille lieues sous <strong>les</strong> mers (1869-70). Chapitre XV, Seconde Partie.<br />

241 Dupuy Lionel. Inter <strong>et</strong> intrasémioticité <strong>dans</strong> l’œuvre de Ju<strong>les</strong> Verne, op. cit.<br />

242 Falgon Elisab<strong>et</strong>h. L’ici <strong>et</strong> l’ailleurs. Les mots pour le dire. Hegoa, n° 18, 1995. 160 p.<br />

243 Verne Ju<strong>les</strong>. Vingt mille lieues sous <strong>les</strong> mers (1869-70). Respectivement : chapitre XIV, Première partie ;<br />

chapitre XXIV, Première partie <strong>et</strong> chapitre IX, Seconde partie<br />

244 Debarbieux Bernard. « Le lieu, le territoire, <strong>et</strong> trois figures de rhétorique ». In : L’Espace <strong>géographique</strong>, n° 2,<br />

1995. p. 98 : « Et, contre toute attente, nous entrerons en matière par le biais de la rhétorique qui, loin d’être un<br />

artifice stylistique, nous paraît une clef de compréhension de la structuration symbolique du territoire ».<br />

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