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Géographie et imaginaire géographique dans les Voyages ...

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C<strong>et</strong>te citation latine est en fait une adaptation hugolienne d’un célèbre vers de Virgile<br />

issu des Bucoliques 235 : « Formosi pecoris custos, formosior ipse » (gardien d’un beau<br />

troupeau, <strong>et</strong> plus beau lui-même). Voici la déformation hugolienne du vers, que Ju<strong>les</strong> Verne<br />

reprend à l’identique <strong>dans</strong> ses deux romans : « Immanis pecoris custos, immanior ipse ! ».<br />

Soit : « Gardien d’un troupeau monstre, <strong>et</strong> plus monstre lui-même. » Ainsi, <strong>dans</strong> Le Château<br />

des Carpathes, « le monstrueux troupeau paissait donc sous la conduite dudit Frik, - plus<br />

monstrueux lui-même ». C<strong>et</strong> infortuné berger vernien, dont le cousin extraordinaire niche sous<br />

terre, est aussi monstrueux que le Quasimodo hugolien ! Comme nous pouvons le constater<br />

ici, l’émerveillement passe aussi par la description d’une certaine forme de monstruosité qui<br />

peut parfois effrayer tout en entraînant le lecteur vers <strong>les</strong> dimensions mythique <strong>et</strong> mystique du<br />

récit.<br />

Dans le cas présent on notera que le merveilleux utilisé par Ju<strong>les</strong> Verne - sur lequel<br />

nous reviendrons - apparaît essentiellement hyperbolique puisque l’auteur précise sa<br />

description de l’immensité du berger souterrain. L’utilisation par Ju<strong>les</strong> Verne de la<br />

déformation hugolienne de c<strong>et</strong>te citation latine lui perm<strong>et</strong> de placer son récit <strong>dans</strong> une double<br />

lignée historique, à la fois ancienne <strong>et</strong> classique (Virgile) <strong>et</strong> contemporaine (Hugo). Mythe <strong>et</strong><br />

modernité coexistent alors au sein de la même expression rhétorique qui procède, de ce fait,<br />

d’un merveilleux <strong>géographique</strong> (que nous définirons <strong>dans</strong> la deuxième partie de c<strong>et</strong>te thèse) :<br />

- L’espace (l’ailleurs) est ici l’espace mythique <strong>et</strong> symbolique des univers de Virgile <strong>et</strong> de<br />

Hugo : celui de Virgile, par l’intermédiaire de l’extraordinaire <strong>géographique</strong> développé <strong>dans</strong><br />

le Voyage au centre de la Terre, <strong>et</strong> celui de Hugo par l’intermédiaire de l’ailleurs<br />

<strong>géographique</strong> développé <strong>dans</strong> Le Château des Carpathes.<br />

- Le temps (l’avant) correspond à l’époque de Virgile (le mythe ; le récit poético-mythique) <strong>et</strong><br />

celle de Hugo (la modernité ; rappelons cependant que le roman se déroule à la fin du Moyen-<br />

Âge, ce qui ouvre une autre fenêtre temporelle, toujours <strong>dans</strong> l’avant). Dans <strong>les</strong> deux romans<br />

nous avons affaire à un voyage <strong>dans</strong> l’espace <strong>et</strong> <strong>dans</strong> le temps 236 . Mais le roman de Hugo est<br />

un roman historique, alors que le roman de Ju<strong>les</strong> Verne est un roman <strong>géographique</strong>. Par<br />

l’intertextualité, Ju<strong>les</strong> Verne joue sur <strong>les</strong> deux variab<strong>les</strong> chronotopiques : l’avant <strong>et</strong> l’ailleurs.<br />

- L’homme (l’autre ; l’altérité) correspond aux références faites à Virgile <strong>et</strong> son berger, <strong>et</strong> à<br />

Victor Hugo <strong>et</strong> son Quasimodo : <strong>les</strong> deux bergers de Ju<strong>les</strong> Verne sont d’autres bergers<br />

235 Virgile. Les Bucoliques (-42 à -39 av. J.C.). V, 44.<br />

236 Dupuy Lionel. « Un voyage au centre de la terre <strong>dans</strong> le Château des Carpathes ? ». In : Australian Journal of<br />

French Studies. Ju<strong>les</strong> Verne in the twenty-first century. Monash University, 2005. p. 318-329.<br />

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