17.07.2013 Views

Géographie et imaginaire géographique dans les Voyages ...

Géographie et imaginaire géographique dans les Voyages ...

Géographie et imaginaire géographique dans les Voyages ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

2 - Frritt-Flacc (1884)<br />

Vingt mille lieues sous <strong>les</strong> mers n’est pas le seul roman où se manifeste l’habil<strong>et</strong>é du<br />

conteur. Voici <strong>les</strong> premières lignes de Frritt-Flacc :<br />

« Frritt !... c’est le vent qui se déchaîne. Flacc !... c’est la pluie qui tombe à torrents. C<strong>et</strong>te<br />

rafale mugissante courbe <strong>les</strong> arbres de la côte volsinienne <strong>et</strong> va se briser contre le flanc des<br />

montagnes de Crimma. Le long du littoral, de hautes roches sont incessamment rongées par<br />

<strong>les</strong> lames de c<strong>et</strong>te vaste mer de la Mégalocride.<br />

Frritt !... Flacc !...<br />

[…]<br />

Comme un phare, d’une portée de cent cinquante kertses, le Vanglor signale le port de<br />

Luktrop aux caboteurs, felzanes, verliches ou balanzes, dont l’étrave scie <strong>les</strong> eaux de la<br />

Mégalocride. »<br />

L’invention linguistique participe ici de l’<strong>imaginaire</strong> d’un territoire aussi mystérieux<br />

qu’insolite. La sonorité de ces mots étranges, si elle surprend, demeure cependant mélodieuse<br />

<strong>et</strong> invite au voyage. Il nous importe peu de savoir quelle réalité se cache derrière ces mots<br />

inconnus. Car le résultat est saisissant : dès l’amorce du récit nous sommes transportés <strong>dans</strong><br />

un autre monde, une autre géographie, une autre langue : l’ailleurs <strong>géographique</strong> repose sur<br />

l’ailleurs linguistique. C<strong>et</strong>te liberté de ton, ce non-académisme littéraire <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te volonté<br />

manifeste de s’affranchir des codes en vigueur, perm<strong>et</strong>tent à Ju<strong>les</strong> Verne de saisir avec plus de<br />

précision la réalité du quotidien. L’auteur transpose son récit <strong>dans</strong> un univers étrange,<br />

fantastique, qui renforce le tragique de la situation. Car le médecin, qui renie ici son serment<br />

d’Hippocrate, fait route vers sa propre mort. La circularité du voyage est absolue, saisissante<br />

<strong>dans</strong> ce récit digne de Poe ou d’Hoffman. Par son comportement, le médecin précipite sa<br />

propre destinée. Mais il ne le sait pas.<br />

Un volcan en arrière-plan domine la scène éclairant de son feu le passage du médecin<br />

vers <strong>les</strong> enfers. Le mythe prend force par le truchement d’une structure récurrente <strong>dans</strong><br />

l’univers de Ju<strong>les</strong> Verne. Le volcan s’appelle ici le « Vanglor » : quelle signification donner à<br />

ce nom ? N’est pas Œdipe qui veut. Face au Sphinx, la réponse qu’il donne n’est pas la bonne.<br />

Si le mythe éclaire l’homme, il peut également le conduire face à sa propre mort. Le volcan<br />

signe c<strong>et</strong>te mort qui plane au-dessus de c<strong>et</strong> homme cupide. C’est ainsi que <strong>les</strong> « non » répétés<br />

par le docteur aux sollicitations des différentes femmes venues lui demander son aide vont<br />

231

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!