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Géographie et imaginaire géographique dans les Voyages ...

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182<br />

Ce paradoxe perm<strong>et</strong> à Ju<strong>les</strong> Verne de renforcer le mystère, l’<strong>imaginaire</strong> qui imprègne<br />

ces territoires reculés du haut Orénoque. L’auteur évoque également Jean Chaffanjon à qui il<br />

emprunte la description de ces Indiens. C<strong>et</strong>te intertextualité est bien amenée <strong>dans</strong> le texte car<br />

il faut rappeler que le secteur décrit par Ju<strong>les</strong> Verne n’a jamais été parcouru par l’explorateur<br />

français. Par extrapolation des informations de l’ouvrage de Jean Chaffanjon, Ju<strong>les</strong> Verne<br />

déplace sciemment ces Indiens au nord, vers son <strong>imaginaire</strong> <strong>et</strong> improbable Mission de Santa-<br />

Juana. Cela lui perm<strong>et</strong> de conserver un lien entre toutes <strong>les</strong> sources (littéraires, celle de Jean<br />

Chaffanjon, <strong>et</strong> <strong>géographique</strong>s, celle de l’Orénoque). Le déplacement du récit à une<br />

cinquantaine de kilomètres au nord-est des sources du fleuve impose de facto le transfert de<br />

ces Indiens initialement rencontrés par l’explorateur à proximité du Pic Maunoir. Ce<br />

déplacement du récit, <strong>dans</strong> l’espace <strong>et</strong> <strong>dans</strong> le temps, perm<strong>et</strong> à l’auteur de rester <strong>dans</strong> le<br />

registre du plausible, du vraisemblable, tout en créant de l’extraordinaire, par le truchement<br />

du merveilleux <strong>géographique</strong>.<br />

C<strong>et</strong>te intertextualité perm<strong>et</strong> aussi à l’auteur, via l’aventure de Jean Chaffanjon, de<br />

n<strong>et</strong>toyer, « d’hygiéniser » en quelque sorte son espace, en le débarrassant de ses mythes <strong>les</strong><br />

plus terrib<strong>les</strong>, afin de ne conserver que <strong>les</strong> plus merveilleux, <strong>les</strong> plus aptes à la « mise en<br />

extraordinaire » de c<strong>et</strong>te région. C<strong>et</strong>te « hygiénisation » perm<strong>et</strong> à l’auteur de m<strong>et</strong>tre en place<br />

sa propre mythologie, sa propre cosmogonie, légèrement en décalage par rapport à la réalité<br />

telle qu’elle est connue à son époque. L’<strong>imaginaire</strong> « extraordinarise » ici la réalité d’un<br />

territoire qui n’a jamais été décrit scientifiquement.<br />

3 - Le récit poético-biblique, ou la démiurgie vernienne<br />

« Et pourtant, à c<strong>et</strong>te époque déjà, nombre d’entre eux, réunis à la voix du<br />

missionnaire espagnol, formaient le premier noyau de la Mission de Santa-Juana. La religion<br />

avait pénétré ces âmes, grâce au dévouement de l’apôtre qui leur consacrait sa vie <strong>et</strong> leur<br />

sacrifiait toutes <strong>les</strong> joies de l’existence.<br />

Le Père Esperante eut la pensée de prendre corps à corps, - on dirait mieux âme à<br />

âme, - ces malheureux Guaharibos. C’est <strong>dans</strong> ce but qu’il vint s’installer au plus profond de<br />

ces savanes de la sierra Parima. Là, il résolut de fonder un village qui, le temps aidant,<br />

deviendrait une bourgade. Du reste de sa fortune, il ne croyait pouvoir faire un plus généreux<br />

emploi qu’à créer c<strong>et</strong>te œuvre de charité, à l’édifier sur de si solides bases qu’elle ne<br />

menacerait pas de s’écrouler après lui » 623 .<br />

623 Ibid., p. 550.

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