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Géographie et imaginaire géographique dans les Voyages ...

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trouvait pas assez puni, le malheureux, car il sentit peu à peu qu’il devenait un sauvage ! Il<br />

sentit peu à peu l’abrutissement le gagner ! » 209 .<br />

62<br />

Dans Vingt mille lieues sous <strong>les</strong> mers, le capitaine Nemo témoigne d’une paranoïa<br />

grandissante au fil de son périple sous-marin. Nemo se referme sur lui-même alors qu’il est<br />

pourtant entouré par son équipage <strong>et</strong> par ses hôtes-prisonniers. S’il ne devient pas sauvage à<br />

proprement parler (encore que certains de ses actes témoignent d’une réelle atrocité), il ne<br />

communique plus, agissant de manière imprévisible, diffusant la peur, à l’image d’un animal<br />

rendu à l’état sauvage. Nemo se sert de son fabuleux sous-marin <strong>dans</strong> une entreprise de<br />

vengeance qui révèle finalement la face obscure de son histoire 210 . Ce n’est qu’après un long<br />

silence qu’on le r<strong>et</strong>rouve, alors enfermé <strong>dans</strong> L’Île Mystérieuse, où il obtiendra son salut en<br />

avouant son histoire, en expiant ses péchés : c’est au contact d’autres hommes que le<br />

Capitaine r<strong>et</strong>rouve sa dignité. Il en est de même avec Ayrton, longtemps abandonné <strong>et</strong><br />

devenant progressivement fou. Deux hommes, deux univers, une même réalité : la force du<br />

groupe. Le groupe perm<strong>et</strong> une chose impossible à l’homme seul : la communication.<br />

L’homme est un être de communication, qui écrit, parle, qui a besoin de s’exprimer, d’être<br />

écouté, de transm<strong>et</strong>tre. Comment communiquer quand on se r<strong>et</strong>rouve seul ? L’expérience du<br />

lieu n’est envisageable, <strong>dans</strong> <strong>les</strong> romans de Ju<strong>les</strong> Verne, que par l’intermédiaire du groupe.<br />

La folie, récurrente chez de nombreux héros verniens, traduit c<strong>et</strong>te solitude, c<strong>et</strong><br />

enfermement psychologique qui peut confiner soit à la monomanie (Phileas Fogg), soit à la<br />

folie pure <strong>et</strong> dure (Hatteras), soit la folie douce (Hudelson <strong>et</strong> Forsyth <strong>dans</strong> La chasse au<br />

météore). Cependant, il ne faut pas oublier que c’est précisément c<strong>et</strong>te folie qui perm<strong>et</strong> à de<br />

nombreux héros verniens d’arriver au but qu’ils se sont fixés : le pôle nord pour Hatteras, le<br />

pôle sud pour Nemo, le centre de la terre pour Lidenbrock, pour ne citer que <strong>les</strong> plus connus.<br />

C<strong>et</strong>te folie a pour but également, <strong>dans</strong> l’écriture de Ju<strong>les</strong> Verne, de m<strong>et</strong>tre d’une part l’homme<br />

face à ses ambitions <strong>les</strong> plus démesurées, mais surtout, d’autre part, de le m<strong>et</strong>tre face à la<br />

Nature toute puissante : l’homme fou dépasse <strong>les</strong> limites imposées par l’ordre naturel des<br />

choses. C<strong>et</strong>te folie lui perm<strong>et</strong> d’aller au-delà du raisonnable <strong>et</strong> de m<strong>et</strong>tre à l’épreuve à la fois<br />

ses limites (physiques, psychologiques), <strong>et</strong> cel<strong>les</strong> de la Nature (autrement dit, <strong>dans</strong> l’esprit de<br />

Ju<strong>les</strong> Verne, Dieu).<br />

C’est par la folie que l’homme peut interroger directement Dieu. Paradoxalement,<br />

alors que nous devrions considérer c<strong>et</strong>te disposition comme témoignant d’une déficience<br />

mentale, psychologique, il faut reconnaître à ce supplément d’âme, ce p<strong>et</strong>it plus, certes<br />

209 Verne Ju<strong>les</strong>. L’Île Mystérieuse (1874-75). Chapitre XVII, Seconde Partie.<br />

210 Verne Ju<strong>les</strong>. Vingt mille lieues sous <strong>les</strong> mers (1869-70). Chapitre XXI, Seconde Partie (Une hécatombe).

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