ANUARUL - DSpace

470 OLIMPIU BOITOŞ
groupés un moment autour de la cocarde nationale, reprirent
leur position naturelle: les anciens libéraux de 1848 et les boyards
se séparèrent. Tous les deux espéraient en Couza: les
premiers croyaient pouvoir le compter au nombre des leurs, estimant
que l'homme qui 1 venait d'être élu comme candidat roumain,.
ne pouvait être autre chose qu'un libéral; les seconds comptaient
le dominer, profiter de sa faiblesse présumée pour régner, et seservir
des lois existantes, de la loi électorale surtout, pour se
maintenir au pouvoir, tout en laissant au prince un semblant
d'autorité toute nominale. Il se trouva que les deux se trompaient.
Le nouveau prince n'avait absolument aucune des qualités
d'un souverain constitutionnel: ancien colonel, il se souvenait,
de ses épaulettes, et, dans l'histoire des temps passés, ce n'était
pas Washington, ni même Louis-Philippe qu'il comptait imiter,
mais bien le général Bonaparte, à la destinée duquel il se plaît
à comparer souvent la sienne propre.
Faire de la Roumanie un État fort, une nation bien centralisée,
bien administrée, dotée d'une armée de soldats et d'une
autre armée de fonctionnaires, l'organiser à l'instar de la France
de 1800, et, tout en inscrivant des principes de liberté sur ledrapeau,
retenir dans ses mains, pour les dispenser ou les retenir,
toutes les réalités de ces principes, — tel fut le plan du prince
Couza; et ce plan, il vient de le mettre à exécution.
Usant l'un après l'autre tous les partis: prenant et rendant
impossibles une série de ministères, les uns libéraux, les autres,
conservateurs: froissant et ses anciens amis de la gauche et ses.
anciens ennemis de la droite, il arriva peu à peu à s'isoler, et
à se trouver en face d'une coalition des partis, seul avec ses
états-majors de colonels et de préfets. Sa tactique avait été habile:
il avait commencé par créer une armée considérable, parla
doter d'un budget en proportion des espérances qu'il fondait
sur elle, par organiser une hiérarchie nombreuse,, à la tête de la
quelle il se plaça.
Cette armée se compose de 20.000 fantassins réguliers, de
8.000 chevaux, de près de 10.000 soldats irréguliers; au total,
à peu prè& 40.000 hommes: son budget est de 30 millions de
piastres, ou 12 millions de francs, sans compter les services du
budget extraordinaire. Après avoir assis solidement! son autorité
sur cette base militaire, le prince continua son plan, en cherchant
à se ménager l'appui du peuple des campagnes, et à s'asseoir
plus solidement encore sur cette base plus large et plus sûre.
A cet effet, il proposa plusieurs lois, à l'aspect très libéral:
formation de la garde nationale, appel aux armes de tous les
citoyens, loi rurale,, émancipation économique du paysan, loi sur
les biens des églises et fondations pieuses, loi électorale, suffrage
universel, etc. Il n'en fallait pas tant pour lui concilier les sympathies
des campagnes.