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472 OLIMPIU BOITOŞ
d'autre effet que de faire figurer dans les réunions des Bulgares
quelques fonctionnaires de plus, et dans la hiérarchie musulmane
quelques titres de plus. Nos Roumains des campagnes sont des
Bulgares de la rive gauche du Danube (je ne parle pas bien entendu
des villes, mais la population des villes est une bien infime
minorité). Ces hommes voteront, pour peu que le préfet
|ou le seigneur le désire; ils mettront leur bulletin
sans du tout s'enquérir de ce que cela signifie. Ne sont-ce pas
les mêmes hommes qui prièrent naguère leurs seigneurs de ne
pas les émanciper, de les garder dans l'ancien état patriarcal,
qui leur paraissait de beaucoup préférable à l'état nouveau qu'on
leur promettait après l'affranchissement? Je me trompe: ils ont
changés depuis lors et voici en quel sens. On a fait miroiter à
leurs yeux des théories de droits politiques, dont l'aspect brillant
a fait sur leur esprit l'effet du mirage; sans comprendre, ils
ont été éblouis: ils sont convaincus qu'ils ont le droit de voter,
et ils voteront.
Quelle est la signification du vote? Pourquoi voter? Qu'en
résultera-tt-il ? Ils ne se le demandent pas, et ils constatent qu'ils
ont ce droit, à peu près comme les enfants constatent qu'ils ont
le droit de jouer avec les jouets qu'on leur a montrés.
Voilà le peuple sur lequel le prince Couza s'appuïe pour
combattre à la fois les' boyards (qui le méritent d'ailleurs) et les
libéraux de vieille roche, qui se trouvent traités aujourd'hui de
démagogues et de révolutionnaires.
Il suffirait d'examiner quels sont ces hommes, ces libérateurs
de 1848, proscrits aujourd'hui, pour juger le. prince et son
coup d'État. Ces hommes, n'ont demandé autre chose depuis
1848, que le règne constitutionnel d'un prince indigène ou étranger,
avec des Chambres, et avec des institutions libérales; ennemis
avant toutes choses du despotisme, quel qu'il soit, et de
l'usurpation, leur drapeau a toujours été la légalité.
C'est ce drapeau que déchire le prince Couza. Ne nous payons
pas de mots: le prince invoque la liberté, et il commence
par la suspendre, dans la presse, dans les réunions, dans les
droits de l'individu. Il proclame la loi du salut public, et, sous
prétexte de rendre le pays plus libre, il commence par l'enchaîner
davantage.
Qu'en sortira-t-il? Est-il possible d'abord qu'il en sorte un
État constitutionnel et libéral? Cela est plus que douteux. Appuyé
sur l'armée et sur les paysans, le gouvernement du prince
Couza sera un gouvernement qui s'intitulera peut-être démocratique,
qui persécutera le clergé, les boyards, les démagogues. Le
peuple sera ébloui par de grandes phrases à effet patriotique: il
regardera avec joie défiler des régiments bien équipés: il inculquera
à ses enfants l'orgueil militaire et la conviction de la supériorité
de ses fusils roumains sur tous les autres fusils du
monde; — quant à tout le reste, il ne s'en souciera guère.