PIANO MUSIC - Abeille Musique

L
LES RECITATIONS
E MÉLODRAME de salon avec accompagnement
instrumental était une forme musicale
assez en vogue au dix-neuvième siècle,
tirant son origine de l’opéra et du Singspiel et
descendant d’œuvres telles que Pierrot Lunaire et
Pierre et le Loup. Schubert et Richard Strauss,
parmi tant d’autres, se sont essayés aux récitations
au piano. La version accompagnée du poème de
Tennyson ‘Enoch Arden’, de Strauss, remporte
probablement le prix de la plus longue œuvre du
genre avec une durée d’exécution de bien plus
d’une heure; la seule œuvre de Schubert, Abschied
von der Erde, est comprise dans la série de Graham
Johnson, pour Hyperion, de la collection complète
des Lieder de Schubert; Liszt en a composé cinq.
(Une sixième, Der ewige Jude, suivant un texte de
Schubart, est mentionnée dans plusieurs listes de
ses œuvres perdues ou d’attribution douteuse, mais
nous n’avons pas réussi à la retrouver; les
catalogues répertorient aussi Vor hundert Jahren,
S347, comme étant un mélodrame avec orchestre,
mais ce n’est, en réalité, rien de plus qu’un dialogue
dramatique avec un récitant, deux personnages et un
orchestre, qui reprend plusieurs thèmes associés à
d’autres œuvres ou adaptations de Liszt: le trio de la
‘Marche des Trois Rois’ du Christus, Gaudeamus
igitur, ‘L’Hymne à la Joie’ de la neuvième
symphonie de Beethoven, et Le mal du pays
provenant de la première des Années de
Pèlerinage.)
1 Lenore
Lenore fuhr um Morgenrot
Empor aus schweren Träumen:
„Bist untreu, Wilhelm, oder tot?
Wie lange willst du säumen?“–
Er war mit König Friedrichs Macht
Gezogen in die Prager Schlacht,
Und hatte nicht geschrieben,
Ob er gesund geblieben.
Der König und die Kaiserin,
Des langen Haders müde,
Erweichten ihren harten Sinn,
Und machten endlich Friede;
Und jedes Heer, mit Sing und Sang,
Mit Paukenschlag und Kling und Klang,
Geschmückt mit grünen Reisern,
Zog heim zu seinen Häusern.–
Und überall, allüberall,
Auf Wegen und auf Stegen,
Zog Alt und Jung dem Jubelschall
Der Kommenden entgegen.
„Gottlob!“ rief Kind und Gattin laut,
„Willkommen!“ manche frohe Braut.
Ach! aber für Lenoren
War Gruß und Kuß verloren.
Sie frug den Zug wohl auf und ab,
Und frug nach allen Namen;
Doch keiner war, der Kundschaft gab,
Von allen, so da kamen.
Als nun das Heer vorüber war,
Zerraufte sie ihr Rabenhaar,
Und warf sich hin zur Erde
Mit wütiger Gebärde.–
Die Mutter lief wohl hin zu ihr!–
„Ach, daß sich Gott erbarme!
Du trautes Kind, was ist mit dir?“–
Und schloß sie in die Arme.–
„„O Mutter, Mutter! hin ist hin!
Nun fahre Welt und alles hin!
Bei Gott ist kein Erbarmen.
O weh, o weh mir Armen!““
1 Lenore
Lenore stirred at first dawn red
From out her dreams so deep:
“Art untrue, Wilhelm, or art dead?
How long your tarry keep?
Abroad with Royal Friedrich’s might
He’d entered into the Prague fight,
And he had never written
To tell if he were smitten.
The Kaiser and his Consort Queen,
Now weary of the bitter war,
Had mellowed their intentions keen
And made their peace once more.
And all the troops, with sing and song,
With loud drum beats and ding and dong,
Bedecked with green-leaved boughs
Went home to each his house.
And everywhere and all about,
At harbours and the streets along,
The old and young they hurried out,
To greet the arriving throng.
“Thank God!” called wife and maid and lad
And “Welcome home!” each bride so glad.
Alas! In Lenore’s case:
No kiss, nor warm embrace.
Among the crowd she asked each one
If any did know his name.
But no one knew where he was gone,
Not one who that way came.
After the troops all homeward went,
Her raven hair the maiden rent,
And hurled her to the ground in
Her furious abandon.
Her mother hurried to her aid
“Have mercy, God, upon her!
What is wrong with you, my own dear maid?”
And put her arms around her.
“Oh mother, mother, all’s undone!
Let spin the Earth, all joy is gone!
God shows no mercy anymore
For me, for wretched me, so poor!”
1 Lénore
Lénore remua aux premières lueurs de l’aube
Murmurant encore du fond de son rêve:
“Serais-tu infidèle, Wilhelm, ou es-tu mort?
Pourquoi retardes-tu si longtemps?”
Etant parti avec l’armée du roi Friedrich,
Il s’était battu devant les murs de Prague,
Mais aucune lettre n’était parvenue du champ de bataille
Pour dire s’il avait été blessé.
Le Kaiser et sa reine,
Désormais las de cette guerre cruelle,
Avaient radouci leurs intentions
Et demandé la paix.
Toutes leurs troupes, en chantant,
En battent gaiement du tambour
Et en agitant des branches verdoyantes,
Etaient rentrées chez elles.
Et de tous les côtés,
Des vieux et des jeunes
Sont sortis des rues environnantes
Pour acclamer cette foule qui revenait,
“Dieu merci!” criaient les femmes et les enfants
Et “Bienvenu”, disaient les épouses heureuses.
Helas, personne ne revint
Embrasser Lénore.
Courant dans la foule elle demandait à chacun
S’il connaissait son nom.
Mais aucun de ceux qui passaient par là,
Ne savait ce qui lui était arrivé.
Et quand les troupes s’étaient dispersées,
La jeune femme se tira les cheveux noirs,
Et se jeta par terre
Avec un abandon furieux.
Sa mère s’élanca è son aide
“Seigneur, ayez pitie d’elle!
Que t’arrive-t-il ma chère enfant?”
Et la prit dans ses bras.
“Oh ma mère, ma mère, tout est fini!
Que la terre tourne donc, toute joie est perdue!
Dieu ne m’a point montré de pitié,
Pauvre de moi!”
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