PIANO MUSIC - Abeille Musique

De la fin des années 1860 jusqu’à sa mort en 1886,
Liszt se rapprocha de sa Hongrie natale dont il
s’était tenu éloigné si longtemps pendant ses années
d’artiste errant en tournée et de Kapellmeister à
Weimar. Il tenta à plusieurs reprises d’apprendre le
Hongrois. Il composa d’ailleurs quelques chansons
et deux œuvres chorales dans cette langue. Mais il
ne le parla jamais couramment, et il n’est pas
surprenant que A holt költapple szerelme (‘L’amour du
poète décédé’) demeure la meilleure œuvre
musicale que Liszt ait créée sur un texte hongrois.
Ce célèbre poème de Mór Jókai fait référence à son
ami, le grand poète hongrois Sándor Petapplefi (1823-
1849) qui disparut, probablement tué au combat
pendant la guerre d’indépendance qu’il avait
supportée. A la mémoire de Petapplefi, Listz adopta le
thème de la marche lente tirée de cette récitation
pour un morceau de piano (Dem Andenken Petapplefis,
revisée plus tard sous le titre de Petapplefi Sándor – voir
respectivement les volumes 11 et 12 de cette série).
Liszt publia cette récitation avec le texte en
Hongrois et en parallèle une traduction allemande,
que nous insérons parmi les textes complets cijoints.
L’unique chanson, en Russe, de Liszt est basée sur
un texte de Graf Alexey Konstantinovich Tolstoy
Ne brani menq6 moj drug (‘Ne me réprimand
pas, mon ami’), de 1866. Sl¨poj [Slyepoi]
(‘L’aveugle’), un poème bien plus long de Tolstoi,
fut le texte pour la dernière récitation de Liszt dont
il adapta plus tard la musique en solo pour piano en
1878 (voir le volume 11 de cette série). Le poème
„Laß sausen durch den Hagedorn,
Laß sausen, Kind, laß sausen!
Der Rappe scharrt, es klirrt der Sporn,
Ich darf allhier nicht hausen.
Komm, schürze, spring’ und schwinge dich
Auf meinen Rappen hinter mich!
Muß heut noch hundert Meilen
Mit dir ins Brautbett eilen.“–
„„Ach, wolltest hundert Meilen noch
Mich heut ins Brautbett tragen?
Und horch! es brummt die Glocke noch,
Die elf schon angeschlagen.““–
„Sieh hin, sieh her! der Mond scheint hell.
Wir und die Toten reiten schnell.
Ich bringe dich, zur Wette,
Noch heut ins Hochzeitbette.“–
„„Sag’ an, wo ist dein Kämmerlein,
Wo? Wie dein Hochzeitbettchen?““–
„Weit, weit von hier! … Still, kühl und klein! …
Sechs Bretter und zwei Brettchen!“–
„„Hats Raum für mich?““– „Für dich und mich!
Komm, schürze, spring und schwinge dich!
Die Hochzeitgäste hoffen;
Die Kammer steht uns offen.“–
Schön Liebchen schürzte, sprang und schwang
Sich auf das Roß behende;
Wohl um den trauten Reiter schlang
Sie ihre Lilienhände;
Und hurre hurre, hop hop hop!
Gings fort in sausendem Galopp,
Daß Roß und Reiter schnoben
Und Kies und Funken stoben.
Zur rechten und zur linken Hand,
Vorbei vor ihren Blicken,
Wie flogen Anger, Heid’ und Land!
Wie donnerten die Brücken!–
„Graut Liebchen auch? Der Mond scheint hell!
Hurrah! die Toten reiten schnell!
Graut Liebchen auch vor Toten?“–
„„Ach nein! – Doch laß die Toten!““–
“Let it blow through thorny gorse,
Let it blow, child, let it blow!
The spurs they clash, the black horse paws,
And I must surely go.
Come, tie your skirt, swing up at back
Upon my charging horse so black
One hundred miles ahead
Awaits our bridal bed.”
“Oh, would you ride a hundred miles
To reach our bridal haven?
And hark! The chiming of the bells
Already marks eleven.”
“Look here, look there! the moon shines bright.
We and the Dead Ones ride with might.
I’ll wager that this day,
In marriage bed you’ll lay.”
“Tell me, where is your little room,
Your wedding bed, ’tis where?”
“Far, far from here! … Cool, dark and calm …
Six planks and two boards are there!”
“There’s room for me?” “For you and me,
Come, tie your skirt, swing up with me.
The wedding guests are hoping,
The chamber door stands open.”
Sweetheart tied her skirt and hied her
To the nimble horse.
Tightly her beloved rider
Her lily hands did grasp.
And hurry, hurry, hop, hop, hop!
They flew in hurtling gallop,
With horse and rider snorting
And stones and sparks a-spurting.
To the right and to the left hand,
Before their very eyes,
How flew the meadow, heath and land!
How the bridges thundered by!
“Does sweetheart fear? The moon shines bright!
Hurrah! The Dead Ones ride with might!
Does sweetheart fear the Dead Ones!”
“Oh no! – Let lie the Dead Ones!”
“Laisse-le souffler dans les ajoncs,
Laisse-le souffler, mon enfant, laisse-le!
Mes éperons résonnent sur le sol, mon cheval noir piétine,
Et je dois aller.
Viens, relève ta jupe, monte
Sur mon cheval si noir et si rapide
Car cent lieues d’ici
Nous attend notre lit nuptial.”
“Devons-nous donc traverser cent lieues
Pour atteindre notre nid?
Ecoute! La cloche qui sonne.
Il est déjà onze heures.”
“Regarde, regarde, comme la lune brille.
Nous courrons plus vite que les fantômes.
Je te promets que tu coucheras
Dans ton lit de noces cette nuit.”
“Dis-moi, où est ta petite chambre,
Ton lit de noces, où est-il?”
“Loin, loin d’ici! … petit et frais et calme …
Fait de six planches et d’un chevet!”
“Y a-t-il de la place?” “Pour toi et moi, oui.
Viens, relève ta jupe, monte.
Les invités nous attendent
Ainsi que le lit conjugal.”
La bien-aimée releva sa jupe et se hissa
Sur le dos du cheval agile,
Se cramponnant au chevalier adoré
De ses mains de lis.
Ils partirent au grand galop,
Vite, vite, pour arriver au plus tôt.
Le cheval s’ébrouait, et les cailloux
S’éparpillaient sous la fureur de ses sabots.
De tous les côtés, à droite, à gauche
Droit devant,
Les champs passaient à toute allure,
Les ponts s’éloignaient en grondant comme le tonnerre!
“As-tu peur, ma mie? Regard comme brille la lune!
Les fantômes nous poursuivent!
Crains-tu les fantômes, ma mie?”
“Oh non! Oublions les fantômes!”
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