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matin aux ténèbres d’une orbà, ce qui ne vous dira pas grandchose<br />

à moins que vous ne sachiez que ce terme signifie<br />

« aveuglée ». Une orbà est une cellule à peine assez grande pour<br />

accueillir un homme. Ce n’est rien moins qu’une boîte de pierre,<br />

sans le moindre meuble, qui n’est percée d’aucun trou qui pût<br />

laisser entrer l’air ou la lumière du jour. Je demeurai donc<br />

claquemuré dans une atmosphère qui sentait le renfermé,<br />

suffocante, d’une puanteur à peine supportable. Le sol était<br />

spongieux, couvert d’une substance gluante qui paraissait<br />

vouloir m’aspirer les pieds dès que je les bougeais, si bien que je<br />

ne tentai même pas de m’asseoir. Les murs, eux, dégoulinaient<br />

d’un sombre dépôt visqueux qui semblait grouiller dès qu’on y<br />

touchait, aussi pris-je bien garde de ne pas m’y adosser et évitaije<br />

même de trop me pencher. Lorsque je fus fatigué de me tenir<br />

debout, je m’accroupis. Je me sentis submergé d’une violente<br />

montée de fièvre en prenant lentement conscience de l’horreur<br />

de la situation dans laquelle je me trouvai et de ce que j’étais<br />

devenu. Moi, Marco Polo, fils d’une des plus illustres familles de<br />

Venise, dont le nom figurait au Livre d’or de la ville, devenu<br />

depuis peu un homme libre, dans toute son insouciante<br />

jeunesse, déjà habitué à vagabonder où bon me semblait de par<br />

le vaste monde, je me retrouvais en prison, disgracié, méprisé,<br />

relégué sans nul égard dans un trou à rats que même ces<br />

odieuses créatures eussent sans doute dédaigné. Comme je<br />

pleurai à chaudes larmes, alors !<br />

J’ignore combien de temps j’eus à croupir dans cette geôle<br />

putride. Le reste de la journée sans doute, et peut-être plus que<br />

cela, jusqu’à deux, voire trois jours, car bien que je fisse<br />

l’impossible pour contrôler mes intestins bouillonnants de<br />

terreur, je contribuai à deux ou trois reprises à accroître de mes<br />

excréments l’horreur accumulée au sol. Lorsqu’un garde surgit<br />

enfin pour me laisser sortir, je crus, l’espace d’un instant, qu’on<br />

me libérait comme innocent et j’exultai. Même si j’avais tué le<br />

futur doge, j’étais certain d’avoir déjà payé ce crime d’un<br />

châtiment plus que suffisant, d’avoir ressenti assez de remords<br />

et enduré assez de repentir. On imagine donc la douche froide<br />

que constitua pour ma joie la remarque du garde, lorsqu’il<br />

m’assura que cette punition n’était que la première, et sans<br />

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