19.06.2013 Views

-1-

-1-

-1-

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

chariots dansant et tourbillonnant sur la rivière, avec leurs<br />

passeurs pagayant alternativement aux quatre coins du carré tel<br />

Charon, pour faire avancer le tout, puis soufflant comme Éole<br />

afin de conserver les outres gonflées.<br />

Faisons-le remarquer, les caravansérails situés sur les<br />

berges procuraient une navette de bien meilleure qualité que<br />

leur nourriture. Nous n’eûmes droit à un repas décent que dans<br />

l’un d’entre eux, et ce fut du reste pour nous une expérience<br />

unique, à ce stade de notre voyage : des tranches énormes et<br />

savoureuses d’un poisson péché dans la rivière toute proche.<br />

Ces darnes étaient un tel délice que nous demandâmes<br />

l’autorisation de nous rendre en cuisine pour découvrir dans<br />

quel poisson elles avaient été taillées. Il s’agissait de l’ashyotr,<br />

animal aussi gros qu’un homme, voire plus corpulent encore<br />

que l’oncle Matteo. En guise d’écailles, il était couvert de<br />

plaques osseuses en forme de coquillages, et l’on pouvait voir<br />

sous son long museau des barbillons semblables à des favoris.<br />

En plus de sa chair comestible, l’ashyotr produit des œufs noirs<br />

semblables à de toutes petites perles, et nous en mangeâmes,<br />

salés et agglutinés en une pâte savoureuse appelée le khavyah.<br />

Dans les autres auberges, en revanche, la nourriture était<br />

épouvantable, ce qui, compte tenu de l’abondance du gibier aux<br />

environs, n’était pas compréhensible. Tous les tenanciers de<br />

caravansérail semblaient absolument tenir à proposer à leurs<br />

invités un plat qu’ils n’avaient pas mangé depuis longtemps.<br />

Comme nous avions souvent dîné d’oiseaux et de viande de<br />

gazelle, ils nous offraient du mouton. Et comme dans le Garabil<br />

ce dernier n’abonde pas, il avait dû voyager, pour arriver<br />

jusqu’ici, presque aussi longtemps que nous. Sa viande avait<br />

cessé définitivement de me plaire : salée, séchée et racornie,<br />

sans huile ni vinaigre pour l’assaisonner, hormis de la<br />

cardamome au goût acre de poivron rouge, elle nous était<br />

invariablement servie avec des haricots blancs cuits dans de<br />

l’eau sucrée. Après ce type de repas bien gazeux, nous aurions<br />

fort commodément pu remplacer les outres flottantes en peau<br />

de chèvre des masak. Pour dire quand même un mot agréable<br />

des auberges du Garabil, elles ne faisaient payer que les<br />

hommes et non les bêtes, celles-ci réglant leur note par les<br />

-450-

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!