19.06.2013 Views

-1-

-1-

-1-

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

davantage d’indulgence, pour ma part, mais après tout je ne suis<br />

pas musulman. Il s’agissait d’un opulent marchand persan dont<br />

le harem personnel se composait des quatre femmes légalement<br />

autorisées, en plus des nombreuses concubines habituelles.<br />

L’offense pour laquelle il comparaissait devant ses juges fut lue<br />

à voix haute : l’homme s’était rendu coupable de khalwat,<br />

autrement dit de « promiscuité compromettante ». Les détails<br />

de son acte d’accusation étaient plus explicites : on reprochait<br />

au négociant d’avoir pratiqué la zina avec deux de ses<br />

concubines en même temps, tandis que ses quatre femmes et<br />

une autre concubine assistaient à la scène, circonstances<br />

considérées comme haram au regard de la loi musulmane.<br />

À l’écoute de la lecture de ces charges, je ressentis<br />

instinctivement de l’empathie pour l’accusé, en même temps<br />

qu’un certain malaise personnel, sachant que je m’adonnais<br />

moi-même presque chaque nuit à la zina avec deux femmes qui<br />

n’étaient point mes épouses. Mais ayant lancé à la dérobée un<br />

regard vers ma compagne, la princesse Phalène, je ne détectai<br />

sur son visage nulle trace de culpabilité ni d’appréhension. Je<br />

découvris au fil des débats qu’aucune offense faite aux lois<br />

musulmanes n’est susceptible d’être punie tant qu’elle n’avait<br />

pas été confirmée par au moins quatre témoignages visuels<br />

venus certifier sa véracité. Or, que ce fut volontairement ou par<br />

simple fierté, à moins qu’il ne s’agît que de bêtise pure et<br />

simple, le marchand avait bel et bien laissé cinq femmes<br />

observer ses prouesses, qui, peu après, piquées, jalouses ou<br />

poussées par je ne sais quelle raison purement féminine, avaient<br />

déposé plainte pour khalwat contre lui. Ces cinq femmes purent<br />

donc, comme tous les autres assistants, le voir saisi, frappé et<br />

traîné sans ménagement, malgré ses cris affolés, sur la terrasse<br />

adjacente, avant d’être projeté tout vif dans l’huile bouillante. Je<br />

ne m’étendrai pas sur les quelques minutes qui s’ensuivirent.<br />

Les jugements décrétés par le Divan n’étaient cependant pas<br />

toujours aussi spectaculaires. Certains étaient savamment<br />

adaptés aux crimes commis. Un jour, un boulanger traduit<br />

devant la cour pour avoir servi à ses clients des pains trop petits<br />

fut condamné à être poussé dans son propre four pour y être<br />

cuit jusqu’à ce que mort s’ensuive. Une autre fois, un homme<br />

-317-

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!