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métaux précieux, de pierres fines et de joaillerie. Mais, de tous<br />

les trésors exposés, l’un me captiva tout particulièrement. Un<br />

marchand ne vendait que des variantes d’un certain jeu de<br />

société appelé sans la moindre imagination à Venise le jeu des<br />

cases, composé de pièces bon marché taillées dans un bois<br />

ordinaire. En Perse, il s’intitule la guerre des Stahi, ses pions<br />

sont de véritables œuvres d’art, et son prix n’est à la portée que<br />

d’un shah ou de quelque autre personnage d’une opulence<br />

équivalente. Ce vendeur de Bagdad proposait ainsi un modèle<br />

dont les cases noires étaient recouvertes d’ébonite, les blanches<br />

d’ivoire, ce qui déjà conférait au seul support une valeur<br />

inestimable. Les pièces ne dépareillaient pas. Rangés d’un côté,<br />

le shah, son général, deux éléphants, deux cavaliers, deux<br />

guerriers rukhi et huit soldats d’infanterie peyadeh étaient en or<br />

massif incrusté de pierres précieuses. Les seize pièces d’en face,<br />

identiques, étaient en argent. Je ne me souviens plus du prix<br />

qu’il en réclamait, mais il était ahurissant. Il en possédait<br />

d’autres, en porcelaine, en jade, en bois précieux, en pur cristal<br />

de roche. Leurs pièces, ciselées avec une admirable précision du<br />

détail, représentaient monarques, généraux et soldats en armes<br />

telles des miniatures presque vivantes.<br />

Il y avait aussi des marchands de bétail : chevaux, poneys,<br />

ânes et chameaux bien sûr, mais aussi quantité d’autres<br />

animaux. Certains ne m’étaient connus que de réputation, et je<br />

les découvrais au naturel pour la première fois. Ce fut le cas, par<br />

exemple, d’un gros ours hirsute que je trouvai d’une<br />

ressemblance frappante avec mon oncle Matteo, d’une délicate<br />

espèce de daim appelée qazèl, que les gens achetaient juste pour<br />

orner de leur grâce leurs jardins, et d’un chien sauvage jaune<br />

dénommé shaqàl qui, une fois apprivoisé et dressé par un<br />

chasseur, était capable de stopper et de tuer un sanglier en<br />

pleine charge. (Un chasseur persan ne craint pas de défier seul<br />

et armé d’un simple couteau un lion, mais il redoute par-dessus<br />

tout la rencontre avec un cochon sauvage. Le musulman, qui<br />

répugne déjà par principe ne serait-ce qu’à parler de viande de<br />

porc, estimerait d’une horreur inimaginable le fait de mourir<br />

déchiqueté sous les défenses d’un sanglier.) Il y avait aussi sur<br />

ce marché des shuturmurq, mot qui signifie « oiseau-<br />

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