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désirable pour marquer la mémoire de tant d’hommes, de celuici<br />

au moins qui s’en souvenait encore à l’approche de la fin de sa<br />

vie terrestre ?<br />

L’oncle Matteo commença à parler, s’étrangla d’une quinte<br />

de toux, puis s’éclaircit la gorge et parvint enfin à articuler :<br />

— Et comment s’est achevée cette cour surpeuplée ?<br />

— Oh, elle a bien fini par se résoudre. Son père, le shah,<br />

avec son approbation, je pense, choisit en définitive pour elle le<br />

shahzadè de Chiraz. Lui et la princesse furent mariés, et<br />

l’ensemble de l’Empire perse – à l’exception des prétendants<br />

écartés – fêta cette union de plusieurs jours chômés. Pourtant, il<br />

s’écoula plusieurs années avant que ce mariage produisît ses<br />

fruits. J’ai dans l’idée que l’époux, comme dépassé par sa bonne<br />

fortune et saisi par l’affolante beauté de sa femme, mit un<br />

certain temps à pouvoir consommer le mariage. Ce n’est<br />

qu’après la mort de son père, lorsqu’il lui eut succédé comme<br />

shah à Chiraz, qu’il lui fit un enfant, alors qu’elle avait déjà<br />

atteint la trentaine. C’était une fille, et elle resta unique. Belle<br />

aussi, m’a-t-on dit, mais rien qui pût égaler sa mère. C’est Zahd,<br />

qui est maintenant la shahryar de Bagdad, et il me semble<br />

qu’elle a elle-même donné naissance à une fille aujourd’hui<br />

presque femme.<br />

— Oui, fis-je faiblement.<br />

Vizan poursuivit :<br />

— Si les événements s’étaient déroulés autrement que je<br />

viens de vous le raconter, si la princesse Shams avait fait un<br />

autre choix, je serais encore...<br />

Il tisonna de nouveau le feu, mais il n’en restait plus à<br />

présent que quelques braises mourantes.<br />

— Eh oui, c’est ainsi... Je fus saisi de l’irrésistible envie de<br />

fuir dans les solitudes et d’y rester terré. Là, j’ai cherché et fini<br />

par trouver la vraie religion, ainsi que tous ces camarades<br />

errants qui vivent avec moi, auprès desquels s’est épanouie ma<br />

nouvelle vie. Je pense que j’ai marché dans le droit chemin et<br />

que j’ai été un bon chrétien. J’ai quelque espoir d’aller au<br />

paradis... Et là, qui sait... ?<br />

La voix sembla alors lui manquer. Il ne dit plus rien, même<br />

pas un bonsoir, se releva de sa place près du foyer et nous<br />

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