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emarquent forcément tel ou tel élément. Ou bien la<br />

combinaison de ces éléments particuliers crée la sensation de<br />

beauté, ou bien l’un d’entre eux sort suffisamment de l’ordinaire<br />

pour tirer l’ensemble de la banalité. Mais le visage humain n’est<br />

jamais perçu comme une addition de détails. Ou sa beauté nous<br />

frappe immédiatement dans son intégralité, ou ce n’est pas le<br />

cas. Si l’on peut dire par exemple d’une femme qu’elle a « les<br />

sourcils délicatement arqués », ce n’est pas que notre regard ait<br />

cherché à capter cette particularité, mais tout simplement que le<br />

reste de ses traits n’avait rien d’exceptionnel.<br />

Ce que je peux dire, c’est qu’Ilaria avait les cheveux d’un<br />

auburn lumineux, mais il est vrai que c’est le cas de beaucoup de<br />

femmes à Venise. Ce que je peux ajouter, c’est qu’elle avait les<br />

yeux si brillants qu’ils semblaient allumés de l’intérieur, au lieu<br />

de ne réfléchir que la lumière extérieure, dont elle semblait<br />

pouvoir se passer. Qu’elle avait la joue faite pour attirer le creux<br />

de la paume d’une main. Qu’elle possédait ce que j’ai toujours<br />

appelé un « nez de Vérone », parce qu’on en voit plus dans cette<br />

ville que partout ailleurs : à la fois fin et affirmé, mais<br />

harmonieux de proportions, comme pourrait l’être la proue<br />

élancée d’un bateau, avec les yeux profondément enfoncés de<br />

part et d’autre.<br />

Je serais intarissable sur sa bouche. Ciselée de façon<br />

exquise, elle promettait toute sa douceur aux lèvres qui<br />

viendraient s’y presser, plus que cela, même. Lorsque Ilaria et le<br />

prêtre se relevèrent ensemble, après leurs oraisons et une<br />

ultime génuflexion, elle esquissa vers lui une révérence et lui<br />

murmura quelques mots d’une voix douce. Je ne sais plus<br />

exactement lesquels, mais je suppose qu’ils devaient ressembler<br />

à : « Je vous rejoindrai derrière la chapelle, mon père, après<br />

complies. »<br />

Son salut, en revanche, me frappa suffisamment pour que je<br />

m’en souvienne : elle lui lança « Ciao », notre façon à nous,<br />

Vénitiens, d’exprimer le mot schiavo, qui veut dire : « votre<br />

esclave », et je trouvai que c’était une façon curieusement<br />

familière, ma foi, de prendre congé d’un prêtre. Mais tout ce qui<br />

pour moi compta alors, ce fut sa prononciation de cette phrase :<br />

« J-je vous rej-joindrai derrière la ch-chapelle, mon père, après<br />

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