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d’honneur, au milieu d’invités de rang moindre et d’aspect<br />

quelque peu barbare, peut-être étaient-ce des relations du marié<br />

originaires d’une région pauvre. Kagig, qui était depuis un<br />

moment aussi saoul que n’importe qui d’autre dans la salle,<br />

entreprit de nous expliquer assez laborieusement qu’il<br />

souhaitait venir s’asseoir avec nous parce que sa fiancée nous<br />

ressemblait plus qu’à lui-même ou à toute autre personne de<br />

son peuple. Circassienne de naissance, Seosseres était claire de<br />

peau, décrivit-il, avec des cheveux noisette et des traits d’une<br />

beauté incomparable. Ainsi lancé, il commença à s’étendre<br />

longuement sur la splendeur de sa promise : « Elle est plus belle<br />

que la lune ! » comme sur sa gentillesse : « Elle est plus aimable<br />

qu’un vent d’ouest. » Elle était aussi « plus douce que la<br />

fragrance de la rose » et possédait un nombre considérable<br />

d’autres vertus.<br />

— Elle est âgée de quatorze ans, cela pourrait sembler un<br />

peu tard pour un mariage, mais elle est aussi vierge qu’une perle<br />

que l’on n’aurait jamais percée ni enfilée. Elle est instruite et<br />

peut discourir sur quantité de sujets sur lesquels moi, oui,<br />

même moi je ne connais absolument rien. La philosophie, la<br />

logique, les Canons de la médecine du grand Avicenne, les<br />

poèmes de Majnoun et de Leila, les mathématiques, la<br />

géométrie, l’algèbre...<br />

Pour être franc, je pense que tout l’auditoire doutait comme<br />

moi qu’elle fût aussi sublime. Si tel avait été le cas, pourquoi<br />

aurait-elle accepté d’épouser un Arménien mal dégrossi aux<br />

lèvres rosâtres et gélatineuses, ayant la tête collée aux épaules et<br />

juste bon à préserver ses ongles de pieds des sorciers ? Il faut<br />

croire que le doute était peint sur nos visages et que Kagig finit<br />

par le remarquer, car il se redressa à grand-peine sur ses pieds,<br />

tituba à travers la salle et monta d’un pas lourd à l’étage, afin de<br />

sortir la princesse de la chambre où elle se trouvait isolée.<br />

Lorsqu’il l’entraîna jusqu’en bas, la tirant par l’un de ses<br />

poignets, elle tenta, avec toute sa modestie virginale, de résister,<br />

tout en essayant en même temps de ne pas trop faire preuve<br />

d’insoumission, comme il sied à une femme envers son mari. Il<br />

l’amena au milieu de la salle, en face des invités, et arracha le<br />

tchador qui lui couvrait le visage.<br />

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