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me contentais de revêtir les seuls habits qu’elle avait sous la<br />

main – les siens – et je repartais me promener dans Balkh dans<br />

cet accoutrement féminin. Vous parlez d’un choix ! Mais je me<br />

devais d’agir en gentilhomme et, pour cela, de me déguiser en<br />

femme.<br />

Je sortis précipitamment de la boutique, mais j’étais en<br />

train de rajuster mon tchador quand le gebr, levant le regard<br />

sur moi de derrière son comptoir, clama :<br />

— Ma parole, mais vous m’avez pris au sérieux ! Vous tenez<br />

vraiment à me montrer une belle fille au milieu des rustiques<br />

créatures du coin, c’est cela ?<br />

Je le rembarrai à l’aide d’une des rares expressions de<br />

pashtoun que je connaissais : « Bahi chut ! », directive<br />

l’enjoignant assez crûment d’aller s’occuper de sa sœur.<br />

Il s’esclaffa et ajouta, avant que je me faufile au-dehors dans<br />

la neige qui tombait toujours :<br />

— Dame, ce serait avec grand plaisir, si elle était aussi belle<br />

que toi !<br />

Bien que j’eusse à deux ou trois reprises trébuché, ma vision<br />

du sol étant sérieusement entamée par le port du tchador et<br />

l’opacité de la neige, sans compter les fois où je marchai sur<br />

l’ourlet de ma robe, je parvins à rentrer au caravansérail sans<br />

incident majeur. Je le regrettai presque, car j’avais parcouru<br />

tout le trajet dents et poings serrés, le sang bouillonnant dans<br />

mes veines, dans l’espoir qu’un gros balourd de pêcheur de filles<br />

d’Eve m’adressât grossièrement la parole ou me fît un clin d’œil<br />

salace, et que je puisse le tuer. Je me glissai dans l’auberge par<br />

la porte de derrière, sans être vu, et me dépêchai de revêtir des<br />

vêtements bien à moi, tandis que je me débarrassais de ceux de<br />

la jeune fille. Puis, après réflexion, je découpai un morceau dans<br />

sa robe afin de le garder comme curiosité. Depuis, cet<br />

échantillon m’a servi à épater un grand nombre de gens a priori<br />

peu enclins à croire qu’un tissu pût résister au feu.<br />

En y repensant, j’avais effectivement ouï dire, au temps où<br />

j’étais encore à Venise, qu’une telle matière existait. J’avais<br />

entendu des prêtres raconter que le pape de Rome conservait,<br />

au milieu des reliques les plus précieuses de l’Église, un<br />

sudarium, tissu censé avoir été utilisé pour éponger le saint<br />

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