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il vient, même si vous le rencontrez au campement ou<br />

immobile. Il suffit pour cela de regarder quel flanc de sa<br />

monture est le plus lourdement couvert de ce sable emporté par<br />

le vent. Le soir, quand le vent s’apaise, les particules les plus<br />

lourdes de sable tombent du ciel. Les plus fines demeurent telle<br />

une poussière en suspension, si dense qu’elle constitue un épais<br />

brouillard sec. Celui-ci avale la clarté de toute étoile qui brille<br />

dans le ciel, et même la pleine lune ne peut le percer totalement.<br />

Lorsque ce brouillard se conjugue à l’obscurité nocturne, la<br />

visibilité se réduit à moins d’une longueur de bras. Narine nous<br />

conta que des créatures appelées Karauna tiraient parti de cet<br />

aveuglement – que, selon la légende, nous dit l’esclave, elles<br />

savaient créer par la puissance de leur seule magie noire – pour<br />

donner libre cours à de sombres desseins. De façon plus<br />

concrète, le principal danger de ce brouillard était que les fines<br />

particules suspendues dans les airs, comme tombées d’un tamis<br />

invisible, ne se déposent durant le calme de la nuit sur le<br />

voyageur non abrité par une tente, le couvrant ainsi,<br />

inexorablement, d’un fin linceul qui l’ensevelirait vivant<br />

pendant son sommeil.<br />

Bien qu’il nous restât encore la plus grande partie de la<br />

Perse à traverser, c’était sa portion la plus vide – peut-être la<br />

plus désertique de toute la planète. Nous ne rencontrâmes pas<br />

un Persan sur tout notre parcours, pas plus qu’un être vivant<br />

plus significatif que de très rares insectes. Dans n’importe<br />

quelle autre région du pays, tout aussi inoccupée et dénuée de<br />

cultures, les voyageurs que nous étions se seraient tenus sur<br />

leurs gardes contre des bandes de lions prédateurs, des troupes<br />

de chacals charognards ou même des volées de ces gros volatiles<br />

cloués au sol que sont les oiseaux-chameaux shuturmurq, ou<br />

autruches, dont un seul coup de bec, nous avait-on dit, peut<br />

éven-trer un homme. Mais là, dans ce désert, aucun de ces<br />

dangers ne nous menaçait, car aucune bête sauvage ne pouvait y<br />

survivre. Nous aperçûmes bien un vautour, un milan par-ci parlà,<br />

planant très haut dans le ciel venteux, mais ils ne<br />

s’attardèrent point. Le seul végétal que je vis pousser là fut un<br />

arbuste bas aux feuilles épaisses, à la chair grasse et pulpeuse.<br />

— C’est de l’euphorbe, m’expliqua Narine. Elle ne pousse là<br />

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