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consternant. Comme un homme, un chameau peut soulever et<br />

transporter environ le tiers de son propre poids durant toute<br />

une journée, et cela sur une bonne distance. Mais un homme,<br />

sur deux jambes, vacille moins facilement qu’un chameau sur<br />

ses quatre pattes. Il arrivait fréquemment que l’un des nôtres<br />

glissât dans le sable, et plus souvent encore sur le sel,<br />

dégringolant sur le côté de la façon la plus grotesque. Il fallait<br />

ensuite, pour espérer le relever, le décharger d’abord<br />

entièrement et s’y employer à plusieurs pour le pousser, en<br />

l’encourageant à pleine voix, afin qu’il se remît sur pied. Peine<br />

dont il nous remerciait en nous crachant dessus.<br />

Si j’utilise ici le verbe « cracher », c’est que, même rentré à<br />

Venise, j’ai de tout temps entendu les voyageurs répéter ce<br />

terme. Mais ce n’est en fait pas vraiment cela. Au fond,<br />

j’aimerais bien qu’ils ne fassent que cracher. Ce qu’ils font, en<br />

réalité, c’est qu’ils expectorent le fruit de leur dernière<br />

rumination sous la forme d’une répugnante mixture assez<br />

voisine du vomi. Dans le cas précis de nos chameaux, cette<br />

substance était composée de haricots d’abord séchés, puis<br />

mastiqués, avalés, donc baignés et imprégnés d’eau et de gaz<br />

intimes, puis à moitié digérés et, par conséquent, plus ou moins<br />

fermentes. Enfin, au moment où la matière était proche de son<br />

état le plus délétère, bien imprégnée de ses sucs gastriques,<br />

l’animal la régurgitait, l’amassait dans sa bouche, la guidait<br />

d’une habile moue des lèvres et l’éjectait de toute sa force sur<br />

l’un ou l’autre d’entre nous, de préférence en visant ses yeux.<br />

Il n’y avait bien sûr rien, dans tout le Dasht-e-Kavir, qui<br />

ressemblât peu ou prou à un caravansérail. Pourtant, au cours<br />

du long mois qu’il nous fallut pour le traverser, nous eûmes la<br />

bonne fortune de tomber par deux fois sur des oasis. Il s’agit en<br />

fait d’une source jaillie du sous-sol, seul Dieu ou Allah sait<br />

comment. Ses eaux sont fraîches, non salées, et autour d’elles se<br />

trouve sur une certaine étendue une zone couverte de<br />

végétation. Je ne pus jamais y découvrir quoi que ce fut de<br />

comestible, mais la seule teinte vert tendre de ces broussailles,<br />

de ces buissons rachitiques et de cette herbe éparse avait un<br />

effet aussi rafraîchissant que si nous avions vu des fruits et des<br />

légumes. Nous saisîmes ces deux occasions pour faire une halte<br />

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