L'école ou la guerre civile - Site de Philippe Meirieu
L'école ou la guerre civile - Site de Philippe Meirieu
L'école ou la guerre civile - Site de Philippe Meirieu
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
<strong>Philippe</strong> <strong>Meirieu</strong> - Marc Guiraud L’école contre <strong>la</strong> <strong>guerre</strong> <strong>civile</strong><br />
<strong>de</strong>stin sco<strong>la</strong>ire, comme le petit Hans au sortir d’une séance <strong>de</strong> psychanalyse<br />
avec Freud : « Le professeur parle-t-il avec le Bon Dieu p<strong>ou</strong>r qu’il puisse<br />
savoir t<strong>ou</strong>t ça d’avance ? » Mais, à l’école, le professeur n’est pas<br />
psychanalyste et <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse n’est pas une cure où l’on peut statuer facilement<br />
sur l’histoire <strong>de</strong> chacun. Le p<strong>ou</strong>voir attribué à Freud par le petit Hans est<br />
d’ailleurs t<strong>ou</strong>t à fait imaginaire et ce <strong>de</strong>rnier s’appliquera à le lui<br />
démontrer, tandis que l’enseignant, lui, s’obstine trop s<strong>ou</strong>vent à créer les<br />
conditions <strong>de</strong> réalisation <strong>de</strong> ses propres prédictions.<br />
Au total, <strong>la</strong> confiance est même un meilleur choix économique que<br />
l’exclusion. Le psychanalyste Jacques Selosse, qui s’est consacré à étudier,<br />
suivre et ai<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s milliers d’adolescents marginaux, a bien montré « le<br />
caractère transitoire, intérimaire <strong>de</strong>s tr<strong>ou</strong>bles comportementaux <strong>de</strong>s garçons<br />
et <strong>de</strong>s filles » : « La plupart <strong>de</strong>s comportements irréguliers <strong>de</strong>s jeunes<br />
n’occupent qu’une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> leur parc<strong>ou</strong>rs <strong>de</strong> vie et, ensuite, s’ils ne sont<br />
pas marqués par <strong>de</strong>s décisions brutales d’adultes incapables <strong>de</strong> les<br />
comprendre, ils se normalisent, ils se socialisent, <strong>ou</strong> ils arrivent à tr<strong>ou</strong>ver<br />
un modus vivendi avec l’environnement social qui ne les stigmatise plus. »<br />
En revanche, les effets d’étiquettage, <strong>la</strong> mémoire sco<strong>la</strong>ire et juridictionnelle<br />
qui colle à <strong>la</strong> peau <strong>de</strong> l’élève <strong>ou</strong> du délinquant, les orientations <strong>ou</strong> les<br />
exclusions brutales, t<strong>ou</strong>t ce<strong>la</strong> amène l’adolescent à s’approprier le regard<br />
négatif que l’on porte sur lui et à développer <strong>de</strong>s « déviances secondaires ».<br />
Les conséquences en sont beauc<strong>ou</strong>p plus néfastes p<strong>ou</strong>r <strong>la</strong> société que les<br />
nuisances, certes pénibles mais le plus s<strong>ou</strong>vent passagères, d’une déviance<br />
adolescente. L’élève exclu <strong>de</strong>vient un chômeur <strong>ou</strong>, pire, un délinquant, un<br />
marginal <strong>ou</strong> un drogué : il coûte cher à <strong>la</strong> collectivité, bien plus cher que<br />
l’effort déployé à l’école p<strong>ou</strong>r lui rendre sa dignité, sa fierté, son ambition.<br />
L’ « investissement-confiance » finit presque t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs par payer, à plus <strong>ou</strong><br />
105