L'école ou la guerre civile - Site de Philippe Meirieu
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<strong>Philippe</strong> <strong>Meirieu</strong> - Marc Guiraud L’école contre <strong>la</strong> <strong>guerre</strong> <strong>civile</strong><br />
t<strong>ou</strong>risme. On se pose aussi <strong>la</strong> question rituelle, essentielle et quasiment<br />
métaphysique : « La rentrée s’est-elle bien dér<strong>ou</strong>lée ? ». C’est-à-dire : « Le<br />
système est-il prêt ? Chacun est-il bien à sa p<strong>la</strong>ce ? Les emplois du temps<br />
sont-ils bien construits ? Le chauffage est-il en état <strong>de</strong> marche ? » Le pays<br />
t<strong>ou</strong>t entier peut alors mesurer l’importance <strong>de</strong> l’effort qu’il consent p<strong>ou</strong>r<br />
l’éducation <strong>de</strong> ses enfants : à quelques grains <strong>de</strong> sable près, <strong>la</strong> machine<br />
fonctionne. La gran<strong>de</strong> gar<strong>de</strong>rie sco<strong>la</strong>ire peut commencer, peu importe au<br />
fond ce que les enfants vont apprendre à l’école...<br />
Quant au bacca<strong>la</strong>uréat, c’est un examen qui ne sélectionne plus<br />
personne. T<strong>ou</strong>t élève passant <strong>de</strong>ux ans en terminale a près <strong>de</strong> 95% <strong>de</strong><br />
chances <strong>de</strong> l’obtenir. Car <strong>la</strong> vraie sélection s’est opérée avant, grâce aux<br />
orientations dans <strong>de</strong>s filières c<strong>ou</strong>rtes et professionnelles et au choix du type<br />
<strong>de</strong> bacca<strong>la</strong>uréat que l’on va passer. Mais c’est un rite qui permet une fois<br />
par an à <strong>la</strong> France <strong>de</strong> se donner le spectacle <strong>de</strong> l’efficacité supposée <strong>de</strong> son<br />
système sco<strong>la</strong>ire. L’examen appartient à <strong>la</strong> mythologie sociale : chaque<br />
année le pays t<strong>ou</strong>t entier vit à son rythme pendant les quelques j<strong>ou</strong>rs qu’il<br />
dure. Chacun connaît en effet au moins un jeune qui « le » passe... et<br />
chacun attend les résultats en retenant son s<strong>ou</strong>ffle. Les plus anciens brûlent<br />
<strong>de</strong>s cierges dans les églises. Les plus mo<strong>de</strong>rnes prescrivent <strong>de</strong>s vitamines<br />
sensées doper le cerveau. Les éditeurs multiplient les annales et gui<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />
t<strong>ou</strong>tes sortes, les magazines rivalisent <strong>de</strong> conseils pratiques. Dès le j<strong>ou</strong>r <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> première épreuve, <strong>de</strong>s intellectuels en vogue se prêtent au jeu <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
dissertation philosophique, histoire <strong>de</strong> se mettre au diapason <strong>de</strong> l’émotion<br />
nationale !<br />
Peu importe le coût, <strong>de</strong> plus en plus exorbitant, d’une telle opération.<br />
Peu importe le caractère contestable <strong>de</strong>s épreuves. Peu importe qu’elles<br />
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