L'école ou la guerre civile - Site de Philippe Meirieu
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<strong>Philippe</strong> <strong>Meirieu</strong> - Marc Guiraud L’école contre <strong>la</strong> <strong>guerre</strong> <strong>civile</strong><br />
nécessaires à <strong>la</strong> survie <strong>de</strong> l’espèce se transmettaient facilement d’une<br />
génération à l’autre : il existait suffisamment <strong>de</strong> points communs entre<br />
parents et enfants, les différences entre générations étaient assez minimes,<br />
p<strong>ou</strong>r que les savoirs se communiquent par une sorte d’imprégnation<br />
naturelle. T<strong>ou</strong>t un terreau culturel se transmettait dans <strong>la</strong> famille, qui<br />
sédimentait et permettait à <strong>la</strong> culture sco<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> se développer sur un<br />
acquis re<strong>la</strong>tivement stabilisé. Entre nos grands-parents et nos parents,<br />
beauc<strong>ou</strong>p <strong>de</strong> connaissances n'ont pas été « apprises » selon un processus<br />
ordonné et systématique, mais elles ont été transmises dans une sorte <strong>de</strong><br />
lente osmose. L'on savait ce qu'étaient l'Ascension et <strong>la</strong> Pentecôte, qui<br />
étaient le Petit Père Combes et Jules Ferry. La plupart <strong>de</strong>s Français<br />
p<strong>ou</strong>vaient dire un mot sur Robespierre et Danton et même réciter quelques<br />
vers <strong>de</strong> Victor Hugo... un peu grâce à l'école, mais surt<strong>ou</strong>t parce que les<br />
générations se superposaient assez p<strong>ou</strong>r constituer un socle commun sur<br />
lequel l’école construisait ensuite les savoirs sco<strong>la</strong>ires et fabriquait du lien<br />
social. Qu’on en juge par cette citation, qui paraît auj<strong>ou</strong>rd’hui surréaliste,<br />
d’un Mémento pédagogique officiel publié p<strong>ou</strong>r les écoles <strong>la</strong>ïques par <strong>la</strong><br />
librairie Fernand Nathan en 1939 : « L'immense majorité <strong>de</strong>s enfants arrive<br />
à l'école en ayant déjà reçu <strong>ou</strong> en recevant un enseignement religieux qui<br />
les familiarise avec l'idée d'un Dieu, auteur <strong>de</strong> l'univers et père <strong>de</strong>s<br />
hommes, avec les traditions, les croyances, les pratiques d'un culte chrétien<br />
<strong>ou</strong> israélite ; au moyen <strong>de</strong> ce culte et s<strong>ou</strong>s les formes qui lui sont<br />
particulières, ils ont déjà reçu les notions fondamentales <strong>de</strong> <strong>la</strong> morale<br />
éternelle et universelle. »<br />
Ce processus ne fonctionne plus. La filiation généalogique est rompue.<br />
Non seulement les jeunes rejettent t<strong>ou</strong>te transmission autoritaire, mais, <strong>de</strong><br />
plus, ils se v<strong>ou</strong>draient capables <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r absolument seuls <strong>de</strong> leur vie,<br />
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