L'école ou la guerre civile - Site de Philippe Meirieu
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<strong>Philippe</strong> <strong>Meirieu</strong> - Marc Guiraud L’école contre <strong>la</strong> <strong>guerre</strong> <strong>civile</strong><br />
Le véritable respect, c’est l’exigence qui permet le dépassement,<br />
expression <strong>de</strong> <strong>la</strong> liberté. L’enseignant n’a pas p<strong>ou</strong>r mission <strong>de</strong> maintenir les<br />
élèves dans leur héritage social : ce serait une forme <strong>de</strong> renoncement, <strong>de</strong><br />
mépris et <strong>de</strong> racisme culturel. Tenir compte <strong>de</strong>s différences, c’est t<strong>ou</strong>t à fait<br />
autre chose que <strong>de</strong> les reproduire, et, a fortiori, les ériger en principe sacré.<br />
L’enseignant doit se mettre à <strong>la</strong> portée <strong>de</strong>s élèves sans jamais se mettre à<br />
leur niveau ; il faut les prendre tels qu’ils sont, respecter leurs stratégies<br />
d’apprentissage, leurs difficultés particulières, leurs sensibilités... et se<br />
défier <strong>de</strong> t<strong>ou</strong>t enfermement. On se met à <strong>la</strong> portée <strong>de</strong>s élèves p<strong>ou</strong>r les<br />
amener à se dépasser ; on respecte ce qu’ils sont parce que c’est le seul<br />
moyen p<strong>ou</strong>r qu’ils puissent choisir, s’ils le désirent, <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir quelqu’un<br />
d’autre.<br />
Au nom <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en compte <strong>de</strong>s différences, l’instution sco<strong>la</strong>ire ne doit<br />
pas sombrer dans une sorte <strong>de</strong> racisme anti-pauvre, <strong>de</strong> traitement<br />
con<strong>de</strong>scendant systématique à l’égard <strong>de</strong>s « élèves défavorisés ». La<br />
charité vis-à-vis <strong>de</strong>s fils d’<strong>ou</strong>vriers les stigmatise parfois comme <strong>de</strong>s<br />
handicapés sociaux. Un vocabu<strong>la</strong>ire trop commo<strong>de</strong>, trop employé, finit par<br />
entériner l’existence <strong>de</strong> ce qu’il prétend dénoncer : « les quartiers<br />
défavorisés », « les cités popu<strong>la</strong>ires », « les jeunes issus <strong>de</strong> l’immigration”.<br />
Untel vient d’un quartier à fort taux <strong>de</strong> chômage : “ Oh là là, le pauvre ! »<br />
On le traite bientôt comme un ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. Fils d’<strong>ou</strong>vrier, c’est grave ? On s’en<br />
remet ? La perte d’emploi, c’est contagieux ? Et il existe, c’est certain, <strong>de</strong>s<br />
élèves qui restent cancres <strong>ou</strong> asociaux, simplement p<strong>ou</strong>r respecter l’image<br />
que les adultes ont d’eux : « Ce sont <strong>de</strong>s éducateurs qualifiés, bardés <strong>de</strong><br />
diplômes ; ils pensent que je suis irrécupérable... Ce n’est pas moi, avec<br />
t<strong>ou</strong>t ce que je trimbale, qui vais les contredire ! » Et voilà, <strong>la</strong> b<strong>ou</strong>cle est<br />
b<strong>ou</strong>clée.<br />
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